Estimation de la force d’infection d’une maladie à
partir de plusieurs enquêtes épidémiologiques
transversales : Application à l’hépatite C parmi les
usagers de drogues en France.
Master 2 de recherche en Systèmes intelligents et Multimédia (SIM)
Selain KASEREKA KABUNGA
Maitre de stage : Yann LE STRAT, PhD
Collaboratrice : Lucie LEON, Thésarde
Saint-Maurice, France - Octobre 2014
Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacr´es mensonges et les statistiques.
Twain, Mark 1835-1910
Table des mati`
eres
1 Introduction
2
2 G´
en´
eralit´
es sur l’h´
epatite C
4
3 Enquˆ
etes ´
epid´
emiologiques transversales
8
4 Mat´
eriels
9
4.1
Population d’´etude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
4.2
Enquˆetes Coquelicot 2004 et 2011 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
4.3
4.2.1
Coquelicot 2004
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
4.2.2
Coquelicot 2011
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
Donn´ees simul´ees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
5 M´
ethodes
12
5.1
G´en´eration de la population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
12
5.2
Mod`eles de r´egression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
5.3
Mod`ele compartimental pour le VHC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
16
5.4
Param`etres du mod`ele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
5.5
Estimation de la force d’infection (FOI) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18
5.5.1
Mod´elisation de la force d’infection en fonction de l’ˆage . . . . . . . . . .
18
5.5.2
Choix du mod`ele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
6 R´
esultats
21
6.1
Donn´ees simul´ees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
6.2
Donn´ees r´eelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25
6.3
Validation du mod`ele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
28
7 Discussion
31
Remerciements
Je tiens `
a remercier toutes les personnes qui ont, de prˆet ou de loin, contribu´e `
a la r´eussite
de mes recherches. Mes remerciements s’adressent `
a:
– l’´equipe DMI pour son accueil chaleureux et sa sympathie ;
– Yann LE STRAT de m’avoir accept´e comme stagiaire et superviser mes recherches ;
– Lucie LEON pour ses remarques et orientations constructives ;
– Ghislain NZEZA et Olivia HOTIN de m’avoir accueilli chez eux durant mon s´ejour en
France ;
– Toutes les autorit´es de l’Institut de la Francophonie pour l’Informatique (IFI) pour cette
formation de grande valeur ;
– Tous mes camarades de la promotion 17 de l’IFI pour les bons moments pass´es ensemble.
Au bon Dieu, je rends grˆ
ace.
Liste des abr´
eviations
1. AIC : Akaike Information Criterion
2. ARN : Acide ribonucl´eique
3. ARS : Agence R´egionale de Sant´e
4. CAARUD : Centres d’Accueil et d’Accompagnement `a la R´eduction de risques pour Usagers de Drogues
5. CSAPA : Centre de Soins d’Accompagnement et de Pr´evention en Addictologie
6. DMI : D´epartement des Maladies Infectieuses
´
7. EPEUS : Etablissement
de Pr´eparation de R´eponse aux Urgences Sanitaires
8. FOI : Force Of Infection
9. INPS : Institut Nationale de Pr´evention et d’´education pour la Sant´e
10. InVS : Institut de Veille Sanitaire
11. LSD : Lysergic acid diethylamide
12. MGPP : M´ethode G´en´eralis´ee du Partage des Poids
13. SIS : Susceptible - Infect´e - Susceptible
14. UD : Usagers de Drogues
15. UDI : Usagers de Drogues par Injection/Usagers de Drogues Injecteurs
16. VHC : Virus de l’h´epatite C
17. VIH : Virus de l’Immunod´eficience Humaine
Table des figures
1
Evolution des marqueurs de l’ARN du VHC et des anti-VHC . . . . . . . . . . .
6
2
Mod`ele compartimental SIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
16
3
Pr´evalence et FOI de la population total pour les donn´ees simul´ees . . . . . . . .
22
4
Pr´evalence et FOI chez les UD non injecteurs pour les donn´ees simul´ees . . . . .
23
5
Pr´evalence et FOI chez les UDI pour les donn´ees simul´ees . . . . . . . . . . . . .
23
6
Pr´evalence et FOI chez les UD non infect´es par le VIH pour les donn´ees simul´ees
24
7
Pr´evalence et FOI chez les UD infect´es par le VIH pour les donn´ees simul´ees
. .
24
8
Pr´evalence et FOI de la population totale pour les donn´ees r´eelles . . . . . . . . .
25
9
Pr´evalence et FOI chez les UD non injecteurs pour les donn´ees r´eelles . . . . . .
26
10
Pr´evalence et FOI chez les UDI pour les donn´ees r´eelles . . . . . . . . . . . . . .
26
11
Pr´evalence et FOI chez les UD non infect´es par le VIH pour les donn´ees r´eelles .
27
12
Pr´evalence et FOI chez les UD infect´es par le VIH pour les donn´ees r´eelles . . . .
27
13
Pr´evalence et FOI de la population totale pour les ´echantillons g´en´er´es . . . . . .
28
14
Pr´evalence et FOI chez les UD non injecteurs pour les les ´echantillons g´en´er´es . .
29
15
Pr´evalence et FOI chez les UDI pour les les ´echantillons g´en´er´es . . . . . . . . . .
29
16
Pr´evalence et FOI chez les UD non infect´es par le VIH pour les ´echantillons g´en´er´es 30
17
Pr´evalence et FOI chez les UD infect´es par le VIH pour les ´echantillons g´en´er´es .
30
Liste des tableaux
1
D´etection (oui/non) des marqueurs pour le VHC . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
2
Diff´erentes variables de la population d’´etude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
12
3
Choix du mod`ele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
R´
esum´
e
L’objectif principal de ce travail a ´et´e d’estimer la force d’infection de l’h´epatite C `a partir
de deux enquˆetes ´epid´emiologiques transversales nomm´ees Coquelicot, men´ees en 2004 et 2011
par l’InVS et ses partenaires dans une population d’usagers de drogues (UD) en France. Pour
effectuer nos estimations sur ces enquˆetes, nous les avons fusionn´ees en tenant compte de leurs
tailles et de leurs poids de sondage. La force d’infection a ensuite ´et´e mod´elis´ee suivant un
mod`ele compartimental de type SIS, et exprim´ee comme ´etant une fonction de la d´eriv´ee de
la pr´evalence en fonction de l’ˆage, du temps, de la s´eropositivit´e VIH et le fait d’ˆetre injecteur
ou non, de 2000 `a 2020. La pr´evalence selon l’ˆage a ´et´e mod´elis´ee en utilisant les polynˆomes
fractionnaires. Les mod`eles ont ´et´e appliqu´es sur des enquˆetes r´eelles et simul´ees en utilisant les
logiciels R et Stata. Nos r´esultats montrent que la pr´evalence et la force d’infection du VHC
sont associ´ees `a l’ˆage et au temps, et sont tr`es ´elev´ees pour les UD par injection et les UD
co-infect´es par le VHC et le VIH. Ce travail permet d’orienter les chercheurs sur la comparaison
des enquˆetes transversales aupr`es des UD.
Mots cl´
es : VHC, Pr´evalence, Force d’infection, Usagers de drogues, Simulation, Mod´elisation.
Abstract
The aim of this work was to estimate the force of infection of hepatitis C from two crosssectional epidemiological surveys conducted in 2004 and 2011 by InVS and its partners in a
drug users population in France. We merged the cross-sectional surveys taking into account
their sampling weights and their sizes. The force of infection was modeled according to a SIS
compartimental model and as being a functionn of the derivative function of the prevalence
depending on age, time, HIV serological status and having injected at least once in their life or
not, from 2000 to 2020. The prevalence according to age was modeled using fractional polynomials. Ours models were applied on real and simulated surveys using R and Stata software. Our
results show that HCV prevalence and the force of infection are associated to age and time, and
are very high for the drug users who injected at least once in their life and who are HCV and
HIV infected simultaneously. This work provides guidance for researchers to compare several
cross-sectional epidemiological surveys among drug users.
Keywords : HCV, prevalence, Force of infection, Drug users, Simulation, Modeling.
Structure d’accueil
Mon stage s’est d´eroul´e `a l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), un ´etablissement public Francais plac´e sous la tutelle du minist`ere charg´e de la Sant´e et r´eunissant les missions de surveillance,
de vigilance et d’alerte dans tous les domaines de la sant´e publique. Il a ´et´e cr´e´e par la loi du 1er
juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrˆole de la s´ecurit´e sanitaire
des produits destin´es `a l’homme. L’InVS a vu ses missions compl´et´ees et renforc´ees par la loi
du 9 aoˆ
ut 2004 relative `a la politique de sant´e publique, afin de r´epondre aux nouveaux d´efis
r´ev´el´es par les crises sanitaires r´ecentes et les risques ´emergents.
Les missions confi´ees `a l’InVS recouvrent :
• La surveillance et l’observation permanentes de l’´etat de sant´e de la population ;
• La veille et la vigilance sanitaires ;
• L’alerte sanitaire ;
• Une contribution `a la gestion des situations de crise sanitaire.
L’InVS participe, dans le cadre de ses missions, `a l’action europ´eenne et internationale de la
France, notamment `a des r´eseaux internationaux de sant´e publique. Ce rˆole de veille est partag´e
avec d’autres agences fran¸caises de s´ecurit´e sanitaire.
L’InVS dispose d’antennes r´egionales, les Cellules de l’InVS en R´egion (Cire), capables de
d´ecliner localement son savoir-faire et de relayer son action. Le dispositif compte dix-sept Cire,
dont deux ultra-marines.
A partir de 2016, l’InVS sera fusionn´e `a l’Inpes (Institut national de pr´evention et d’´education
´
pour la sant´e) et `a l’Epeus (Etablissement
de Pr´eparation et de R´eponse aux Urgences Sanitaires)
pour cr´eer un nouvel institut. Cette fusion devra permettre une bonne intervention en sant´e
publique en France.
J’ai effectu´e mon stage au d´epartement des maladies infectieuses (DMI) et j’ai travaill´e sous
la supervision de Yann LE STRAT et Lucie LEON, statisticiens `a l’InVS. Ce stage a dur´e 6
mois, du 24 mars au 23 septembre 2014.
1
1
INTRODUCTION
Introduction
La mod´elisation math´ematique et la simulation informatique des ´epid´emies/end´emies sont
une cl´e en main pour bien comprendre la propagation des maladies infectieuses en vue de les
´eradiquer dans la population. D’une mani`ere g´en´erale, l’id´ee est de chercher `a connaˆıtre le flux
de personnes qui deviennent infect´ees `a un temps t donn´e. Ces d´emarches deviennent encore
plus r´ealistes lorsqu’on utilise des donn´ees issues d’enquˆetes ´epid´emiologiques. Une enquˆete
´epid´emiologiques a pour but la d´ecouverte de faits, l’am´elioration des connaissances ou la
r´esolution de doutes et de probl`emes. En ´epid´emiologie on distingue classiquement les ´etudes
descriptives qui ´etudient la fr´equence et la r´epartition de param`etres de sant´e et/ou de facteurs
de risque dans les populations et les ´etudes ´etiologiques qui consistent `a comparer des groupes
de sujets pour mettre en ´evidence une association entre une exposition et une pathologie.
Dans ces ´etudes ´etiologiques on trouve les enquˆetes de cohortes qui sont les plus int´eressantes
mais tr`es coˆ
uteuses et difficiles `a mettre en oeuvre `a grande ´echelle. Les enquˆetes transversales,
celles qui sont trait´ees dans le cadre de nos recherches, sont caract´eris´ees par leur facilit´e d’organisation et leur coˆ
ut plus raisonnable mais souffrent de la difficult´e d’´etablir la relation temporelle entre le facteur de risque et la pathologie. Les enquˆetes cas-temoins consistent `a comparer
l’exposition ant´erieure chez des sujets malades (les cas) `a l’exposition des t´emoins. Elles sont
particuli`erement int´eressantes pour ´etudier une pathologie rare.
Lorsque l’on dispose des donn´ees issues de plusieurs enquˆetes transversales, la question de
l’estimation d’un indicateur d’int´erˆet en fonction du temps se pose naturellement. Cette estimation n’est pas simple car elle n´ecessite de prendre en compte les plans de sondages utilis´es pour
constituer les ´echantillons, la taille des enquˆetes et la composition de la population qui peuvent
ne pas ˆetre identiques d’une enquˆete `a l’autre.
Pour r´epondre `a ce d´efit nous avons organis´e ce travail en deux parties distinctes. Dans
la premi`ere partie nous avons g´en´er´e une population des usagers de drogues au cours d’une
p´eriode de 7 ans dans laquelle le virus de l’h´epatite C se propage et se diffuse suivant un mod`ele
compartimental de type SIS. Dans la seconde partie nous avons estim´e la force d’infection
(FOI) comme ´etant fonction de la d´eriv´ee de la pr´evalence en fonction de l’ˆage, du temps, de la
s´eropositivit´e VIH et le fait d’ˆetre injecteur ou non. La pr´evalence selon l’ˆage a ´et´e mod´elis´ee en
utilisant des polynˆomes fractionnaires. Nous avons travaill´e `a la fois sur des enquˆetes r´eelles et
simul´ees.
2
1
INTRODUCTION
Ce travail comporte six chapitres. Nous introduisons des notions g´en´erales sur l’h´epatite
C dans le chapitre premier avant de parler des g´en´eralit´es sur les enquˆetes ´epid´emiologiques
transversales dans le second. Le troisi`eme et le quatri`eme chapitres pr´esentent respectivement
les mat´eriels et les m´ethodes que nous avons utilis´es, et le cinqui`eme montre les r´esultats obtenus
avant de les discuter dans le sixi`eme chapitre.
3
2
2
´ ERALIT
´
´ SUR L’HEPATITE
´
GEN
ES
C
G´
en´
eralit´
es sur l’h´
epatite C
L’h´epatite C est une maladie contagieuse du foie, qui r´esulte d’une infection par le virus
de cette maladie (VHC). Elle se manifeste avec une gravit´e qui peut aller d’une forme b´enigne
qui dure quelques semaines `a une maladie grave qui s’installe `a vie. Le VHC est l’un des virus
infectant le plus fr´equemment le foie. L’infection par le VHC est un probl`eme de sant´e publique
´
majeur `a travers le monde. Les pays ayant un taux ´elev´e d’infection chronique sont l’Egypte
(15%), le Pakistan (4,8%) et la Chine (3,2%). Chaque ann´ee, 3 `a 4 millions de personnes sont
infect´ees par le VHC dans le monde. Environ 150 millions d’individus sont porteurs chroniques
et encourent le risque que leur atteinte h´epatique ´evolue vers la cirrhose et/ou le cancer du foie.
chaque ann´ee 350 000 `a 500 000 personnes meurent de pathologies h´epatiques li´ees `a l’h´epatite C
dans le monde [18]. En France environ 600 000 personnes ´etaient porteuses du virus de l’h´epatite
C (1% de la population) en 2004 dont plus du tiers ignoraient leur statut. On estime qu’entre
200 000 et 300 000 personnes ont ´et´e infect´ees par transfusion sanguine [17].
La transmission du virus de l’h´epatite C s’effectue le plus souvent par exposition `a du sang
infectieux par exemple lors d’une transfusion sanguine, de produits sanguins ou d’un greffon
contamin´es, d’injections r´ealis´ees avec des seringues contamin´ees ou blessures par piqˆ
ure d’aiguille en milieu de soins, d’utilisation de drogues injectables ou lors d’une naissance chez une
m`ere infect´ee par l’h´epatite C.
L’histoire naturelle de l’infection par le VHC se d´eroule en trois ´etapes : (1) la contamination
par le VHC entraˆıne une h´epatite aig¨
ue (infection tr`es r´ecente), le plus souvent inapparente. Environ 80% des individus infect´es par le VHC sont asymptomatiques, c’est-`a-dire qu’ils ne pr´esentent
pas de symptˆomes. On observe chez les personnes pr´esentant des symptˆomes une fi`evre, de la
fatigue, une baisse d’app´etit, des naus´ees, des vomissements, des douleurs abdominales, une
coloration sombre des urines, une coloration grisˆatre des f`eces, des douleurs articulaires et/ou
un ict`ere (jaunissement de la peau et du blanc des yeux). La plupart des sujets infect´es restent
porteurs chroniques de ce virus ; (2) la persistance de l’infection virale entraˆıne l’apparition de
l´esions d’h´epatite chronique et le d´eveloppement d’une fibrose, pouvant aboutir `a une cirrhose
plusieurs d´ecennies apr`es la date de contamination ; (3) les complications cliniques (carcinome
h´epatocellulaire notamment) surviennent essentiellement au stade de cirrhose et sont responsables de la mortalit´e li´ee `a cette infection.
4
2
´ ERALIT
´
´ SUR L’HEPATITE
´
GEN
ES
C
D´etection de l’ARN du VHC
D´etection des anticorps
anti-VHC
Non d´etection des anticorps anti-VHC
Infection chronique
Infection tr`es r´ecente
Non d´etection de l’ARN du
VHC
Gu´erison (spontan´ee ou apr`es
traitement)
Non contamin´e
Tab. 1 – Classification selon la d´etection ou non des marqueurs ARN du VHC et anticorps
anti-VHC
Infection tr`
es r´
ecente
Comme illustr´e en Figure 1(a), le d´eroulement de l’infection tr`es r´ecente d´ebute par la
d´etection dans le s´erum d’un marqueur, l’ARN du VHC, 7 `a 21 jours apr`es la date de contamination. L’augmentation des transaminases s´eriques, souvent sup´erieur `a 10 fois la limite sup´erieure
de la normale survient au-del`a du 15`eme jour, souvent au-del`a de 4 semaines. Des symptˆomes
cliniques (souvent un ict`ere), s’ils sont observ´es, apparaissent 2 `a 12 semaines apr`es la date de
contamination et disparaissent rapidement. Les anticorps anti-VHC apparaissent dans le s´erum
20 `a 150 jours apr`es la contamination. Cette s´eroconversion est majeure pour diagnostiquer une
infection tr`es r´ecente, la positivit´e de l’ARN ne permettant pas de diff´erencier une infection
tr`es r´ecente d’une infection chronique. La gu´erison de l’infection tr`es r´ecente est d´efinie par la
disparition spontan´ee de d´etection de l’ARN du VHC dans le s´erum. Dans ce cas, l’ARN du
VHC devient ind´etectable, au bout de 19 mois dans un cas sur deux, et le demeure par la suite.
A l’inverse, la positivit´e persistante de l’ARN du VHC dans le s´erum marque l’´evolution vers
une infection chronique [1].
Infection chronique
L’infection chronique est attest´ee par la pr´esence d’ARN du VHC dans le s´erum longtemps
apr`es l’infection comme illustr´e en Figure 1(b). L’ARN du VHC reste constamment d´etectable
tout au long de l’´evolution. Les malades ayant une s´erologie positive (d´etection d’anticorps
anti-VHC) et une recherche d’ARN du VHC constamment n´egative sont probablement gu´eris.
L’absence d’ARN du VHC d´etectable dans le foie est en faveur d’une ´elimination virale compl`ete.
Le tableau 1 pr´esente, selon la d´etection ou non des deux marqueurs biologiques ARN du
VHC et anticorps anti-VHC, quatre situations distinctes : infection chronique, infection tr`es
r´ecente, gu´erison ou absence de contamination (la personne n’a jamais ´et´e en contact avec le
virus).
5
2
´ ERALIT
´
´ SUR L’HEPATITE
´
GEN
ES
C
Fig. 1 – Evolution des marqueurs de l’ARN du VHC et des anticorps anti-VHC (Ac Anti VHC)
en cas d’infection tr`es r´ecente (a) ou d’infection chronique (b). [8]
Environ 75-85% des personnes nouvellement infect´ees contractent une maladie chronique et
chez les porteurs chroniques, 60-70% souffriront d’une maladie h´epatique chronique ; 5-20%, auront une cirrhose et 1-5% mourront d’une cirrhose ou d’un cancer du foie. Pour 25% des cas de
cancer du foie, la cause sous-jacente du cancer est l’h´epatite C [8].
Diagnostic
Les m´ethodes courantes de d´etection des anticorps ne peuvent diff´erencier les infections chroniques des infections r´ecentes. La pr´esence d’anticorps contre le virus de l’h´epatite C indique
qu’une personne est ou a ´et´e infect´ee. On a recours au test RIBA (recombinant immunoblot
assay) et `a la d´etection de l’ARN viral pour confirmer le diagnostic. On pose le diagnostic
d’infection chronique lorsque les anticorps anti-VHC sont pr´esents dans le sang pendant plus
de six mois. Comme pour les infections r´ecentes, le diagnostic doit ˆetre confirm´e par un test
compl´ementaire. On utilise souvent des tests sp´ecialis´es pour ´evaluer si les patients sont atteints
d’une maladie h´epatique comme la cirrhose ou le cancer du foie.
6
2
´ ERALIT
´
´ SUR L’HEPATITE
´
GEN
ES
C
Traitement
Le traitement de personnes infect´ees par le VHC s’´etend de 24 `a 48 semaines selon les
g´enotypes :
• Si g´enotype 2 ou 3 : 24 semaines avec une bonne r´eponse au traitement (70% de succ`es)
• Si g´enotype 1 : 48 semaines avec une bonne r´eponse au traitement (moins de 1 personne
sur 2).
Le traitement des personnes infectieuses permet une non-r´eplication virale du virus [5]. Six mois
apr`es le traitement, les personnes sont `a nouveau test´ees pour v´erifier l’absence de vir´emie.
Notons aussi que les personnes plus ˆag´ees r´epondent moins bien `a la gu´erison de l’h´epatite C [8].
La gu´erison des personnes infect´ees peut se traduire par une gu´erison spontan´ee : le sujet
infect´e ´evacue le virus et gu´erit spontan´ement de son infection (autrement dit, sans traitement).
Ceci peut ˆetre dˆ
u aux g`enes de la personne. C’est ce que nous appellerons la s´eror´eversion
dans la suite de ce travail. Ces cas sont tr`es rares [13]. La gu´erison peut ˆetre ´egalement postth´erapeutique [9] : le sujet n’a plus de virus apr`es avoir suivi un traitement de 24 `a 48 semaines.
Transmission de l’h´
epatite C chez les usagers de drogues injecteurs
Le risque de transmission du VHC est plus important en cas de blessure profonde, de piqˆ
ure
avec une aiguille creuse et notamment avec une aiguille ayant servi `a un geste en intraveineux
ou en intraart´eriel. Le VHC se transmet par voie sanguine (transfusion, utilisation de drogues
par voie intraveineuse, transplantation d’organes). Les usagers de drogues par injection sont
une population particuli`erement `a risque pour la transmission de l’h´epatite C [2]. La seringue
emprunt´ee, le mat´eriel de pr´eparation partag´e sont des facteurs de risque majeur de transmission
de ce virus. Les aiguilles et les seringues ont le plus grand potentiel de contamination du VHC
en raison de leur contact direct avec le sang pendant l’injection veineuse.
Un sujet contamin´e produit l’ARN du VHC qui devient d´etectable apr`es environ 6 `a 10 jours.
Il faudra alors compter quelques semaines (une soixantaine de jours) pour que des anticorps
anti-VHC produits par la personne soient d´etect´es. Pour rep´erer les cas, un test de d´epistage est
indispensable. Ce dernier se base sur la pr´esence d’anticorps anti-VHC. Si ce test est positif, un
test de la charge virale est r´ealis´e afin de quantifier le taux d’ARN contenu dans le sang [8].
7
3
3
ˆ
´
´
ENQUETES
EPID
EMIOLOGIQUES
TRANSVERSALES
Enquˆ
etes ´
epid´
emiologiques transversales
Sch´ematiquement, deux grands types d’´etudes ´epid´emiologiques sont habituellement dis-
tingu´es et le plus souvent r´ealis´es : les enquˆetes descriptives et les enquˆetes ´etiologiques (analytiques). Dans la plupart des cas, il s’agit d’enquˆetes d’observation. Contrairement aux essais
th´erapeutiques ou aux ´etudes ´evaluant des actions de sant´e publique, la r´epartition de l’exposition `a un facteur dans la population d’´etude n’est ni contrˆol´ee par l’investigateur ni randomis´ee.
Les enquˆetes descriptives ont pour objectif principal de fournir des statistiques sanitaires dans
les populations. Elles ´etudient la fr´equence et la r´epartition des indicateurs de sant´e ou des facteurs de risque et leurs variations en fonction du temps, des zones g´eographiques et des groupes
de population. Elles permettent de soulever, `a partir de ces observations, des hypoth`eses sur
les facteurs de risque des maladies. Les enquˆetes ´etiologiques, celles qui nous int´eressent dans le
cadre de ce travail, analysent les relations entre l’exposition `a un ou plusieurs facteurs de risque
et un ´etat de sant´e. Les enquˆetes ´etiologiques sont toujours comparatives (elles comparent deux
groupes diff´erents, soit sur la pr´esence de la maladie, soit sur la pr´esence du facteur de risque).
Un facteur de risque est une caract´eristique associ´ee `a une probabilit´e plus ´elev´ee de maladie.
Ces enquˆetes peuvent ˆetre mises en oeuvre pour v´erifier et pr´eciser les hypoth`eses formul´ees
notamment `a partir des r´esultats des ´etudes descriptives ou d’autres types d’´etudes (animales
ou toxicologiques . . . ), concernant les relations entre facteurs d’exposition et maladies. Elles sont
parfois r´ealis´ees `a titre exploratoire pour identifier les effets d’un facteur d’exposition ou bien
les facteurs de risque d’une maladie. Dans nos recherches nous nous int´eressons aux enquˆetes
´epid´emiologiques transversales.
Dans les enquˆetes transversales, l’´echantillon est issu de la population sans ˆetre n´ecessairement
s´electionn´e sur l’exposition ni sur la maladie. L’information est recueillie au mˆeme moment sur la
maladie et l’exposition. Il est fr´equent, dans les enquˆetes transversales que l’information soit recueillie ´egalement sur l’exposition pass´ee, ou d’autres ´ev´enements de sant´e pass´es. Lorsque dans
une enquˆete transversale, l’information sur l’exposition est recueillie de fa¸con r´etrospective, on
parlera d’enquˆete transversale r´etrospective.
Les enquˆetes transversales ont l’avantage de permettre de recueillir, au mˆeme moment, l’information sur divers facteurs d’exposition et sur divers ´ev´enements de sant´e. Leur mise en oeuvre
est relativement facile et leur coˆ
ut est moindre par rapport `a d’autres enquˆetes. Ces enquˆetes
ont cependant des inconv´enients m´ethodologiques. Elles sont sujettes, comme les cohortes, aux
8
4
´
MATERIELS
biais de participation car elles reposent sur le volontariat. Elles sont aussi sujettes aux biais de
m´emoire classiquement d´ecrits pour les ´etudes cas-t´emoins, lorsque l’exposition est reconstitu´ee
de fa¸con r´etrospective.
4
Mat´
eriels
4.1
Population d’´
etude
Les usagers de drogues sont la population la plus touch´ee par l’h´epatite C de part leur
pratique `a risque, notamment l’´echange de mat´eriels (seringue, aiguille, . . . ). En France, la
consommation de drogues est le principal mode de contamination. Chaque ann´ee, parmi les
nouvelles contaminations, 70% sont associ´ees `a l’usage de drogues [14, 15, 17]. Pour les usagers
de drogues, les contaminations interviennent tˆot, lors des premi`eres injections : d`es l’initiation `
a
l’injection, les usagers prennent des risques, ils n’ont que peu d’informations et celles-ci peuvent
ˆetre erron´ees [17]. La consommation de drogues ´etant une pratique ill´egale en France, cette
population g´en´eralement en situation de pr´ecarit´e et qui se cache est particuli`erement difficile
d’acc`es pour les enquˆeteurs.
4.2
Enquˆ
etes Coquelicot 2004 et 2011
L’enquˆete Coquelicot est une enquˆete multicentrique r´ealis´ee dans cinq agglom´erations (Lille,
Strasbourg, Paris, Bordeaux, Marseille) et deux d´epartements (Seine-et-Marne, Seine-SaintDenis). Un ´echantillon al´eatoire d’UD a ´et´e constitu´e dans la quasi-totalit´e des services sp´ecialis´es
pour UD dans ces agglom´erations et d´epartements, selon un plan de sondage `a deux degr´es. Une
liste de tous les services ouverts par demi-journ´ees, constituant ainsi une base de sondage, a ´et´e
construite afin de tirer au sort des couples services/demi-journ´ees, selon un sondage al´eatoire
simple. Dans les services, les enquˆeteurs ont recrut´e de mani`ere al´eatoire le premier UD qui se
pr´esentait. Les autres UD ont ´et´e interrog´es selon un pas de sondage adapt´e `a la taille des structures, afin d’´eviter que l’enquˆeteur ou les professionnels des structures ne choisissent les UD `
a
enquˆeter, ce qui introduirait des biais de s´election. Des poids de sondage ont ´et´e calcul´es selon un
sondage `a deux degr´es. La m´ethode g´en´eralis´ee du partage des poids (MGPP) a permis de tenir
compte de l’h´et´erog´en´eit´e des UD pour ce qui concerne leur fr´equentation des structures [10,11].
9
4.2
Enquˆetes Coquelicot 2004 et 2011
4.2.1
4
´
MATERIELS
Coquelicot 2004
En 2004, 1462 personnes ayant eu recours `a des drogues injectables et/ou par inhalation
au moins une fois dans leur vie ont accept´e de participer `a l’enquˆete Coquelicot. L’objectif
de cette enquˆete ´etait d’estimer la s´eropr´evalence du VIH et du virus de l’h´epatite C (VHC)
chez les usagers de drogues et de d´ecrire les comportements et les pratiques `a risque de ces
derniers. Les participants ont accept´e de r´epondre `a un questionnaire portant sur des aspects
socio-comportementaux et des ´echantillons biologiques ont ´et´e recueillis par auto-pr´el`evement
de sang au niveau du doigt pour 79% d’entre eux [10].
Les usagers de drogues sont essentiellement masculins (74%) et leur ˆage moyen est de 35,6
ans pour les hommes et de 34,5 ans pour les femmes. Il s’agit de personnes souvent inactives (au
moment de l’enquˆete, 65% ont d´eclar´e ne pas travailler) et ayant des conditions de vie pr´ecaires
(seuls 45% ont un logement stable et 19% vivent dans la rue ou dans un squat).
Parmi les 1462 participants, 10,8% sont s´eropositifs vis-`a-vis du VIH et 59,8% vis-`a-vis du
VHC, 10,2% sont co-infect´es par le VIH et le VHC. Alors que la s´eropr´evalence du VIH est quasinulle chez les usagers de drogues de moins de 30 ans, elle est de 28% pour le VHC chez ces mˆemes
personnes (moins de 30 ans) pour atteindre 71% pour les 40 ans et plus. La s´eropr´evalence du
VIH varie selon les villes (1% `a Lille, 10,9% `a Paris, 31,5% `a Marseille). En revanche, il n’existe
pas de diff´erence significative pour le VHC [10].
71% des personnes interrog´ees ont re¸cu un traitement de substitution aux opiac´es dans les six
derniers mois (57% par Subutex et 36% par m´ethadone). Les principaux produits psychoactifs
illicites consomm´es par les usagers de drogues (dans le dernier mois) sont le crack (30%), la
coca¨ıne (27%), l’h´ero¨ıne (20%) et l’ecstasy (12%). Les moins de 30 ans ont une consommation
plus fr´equente de substances hallucinog`enes et ont recours plus souvent `a de la coca¨ıne (40%),
de l’ecstasy (26%), des amph´etamines (14%), du LSD (12%) et d’autres hallucinog`enes (11%).
L’injection par voie intraveineuse a ´et´e pratiqu´ee par 70% des usagers de drogues ayant particip´e
`a l’enquˆete, `a un ˆage moyen de 20,4 ans [10].
4.2.2
Coquelicot 2011
Cette seconde ´edition a ´et´e r´ealis´ee en 2011 aupr`es d’un ´echantillon de 1568 UD recrut´es
dans 122 services sp´ecialis´es. La quasi-totalit´e des structures contact´ees a accept´e de participer
`a l’enquˆete. Au total, 25% des UD ont ´et´e recrut´es dans des services appartenant `a des CAARUD
10
4.3
Donn´ees simul´ees
4
´
MATERIELS
(Centres d’Accueil et d’Accompagnement `a la R´eduction de risques pour Usagers de Drogues),
70% dans des services appartenant `a des CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de
Pr´evention en Addictologie), 1,5% dans des centres d’h´ebergements et 3,7% dans d’autres types
de structures de type associatif.
Le taux de participation `a l’enquˆete a ´et´e de 75% et, parmi les r´epondants, 92% ont accept´e
l’auto-pr´el`evement de sang. Pour l’analyse des s´eropr´evalences, un total de 1418 sujets test´es
a ´et´e retenu. L’´echantillon des non-r´epondants est similaire `a l’´echantillon des r´epondants, en
termes d’ˆage et de sexe [11].
La population des UD est essentiellement masculine (79% d’hommes) et ˆag´ee en moyenne
de 39 ans (16% des UD ont moins de 30 ans). Plus des deux tiers (70%) d´eclarent un niveau
d’´etudes secondaires, 6% d´eclarent un niveau primaire et 24% sont all´es au-del`a du baccalaur´eat.
Plus des trois-quarts (79%) des UD ne travaillent pas au moment de l’enquˆete. Pr`es de la moiti´e
des UD vivent dans une situation d’ins´ecurit´e vis-`a-vis du logement : ils ne vivent ni chez eux,
ni chez un conjoint, ni chez leurs parents. Parmi eux, 18% sont confront´es `a une tr`es grande
pr´ecarit´e car ils vivent dans un squat ou dans la rue. La majorit´e des UD (57%) ont connu un
ant´ec´edent d’incarc´eration au cours de leur vie [11].
4.3
Donn´
ees simul´
ees
Nous basant sur les donn´ees r´eelles issues de Coquelicot 2004 et 2011, nous avons g´en´er´e
des populations ayant une mˆeme distribution d’ˆage que ces derni`eres. Cette population nomm´ee
”pop0” avait une taille de 21300 individus et la pr´evalence globale du VHC ´etait de 62%. La
population g´en´er´ee a alors constitu´e notre population simul´ee pour l’ann´ee 2004.
Une fois la population ”pop0” obtenue, nous l’avons fait ´evoluer par des simulations, en tenant
compte de plusieurs facteurs expliqu´es un peu plus loin, suivant un mod`ele compartimental de
type SIS (introduit plus loin) o`
u le virus de l’h´epatite C se propage et se diffuse au cours d’une
p´eriode de 7 ans en consid´erant que la taille de la population varie peu. Une nouvelle population
”pop1” de taille 21996 a ´et´e obtenue 7 ans plus tard, avec une pr´evalence globale du VHC de
53%.
Le tableau 2 r´epertorie les variables que nous avons utilis´ees dans le cadre de nos recherches :
11
5
Variables
id
vhc
age
vih
injvie
´
METHODES
Libell´e
identifiant de chaque individu dans la population
statut VHC pour chaque individu (oui/non)
l’ˆage de chaque individu
statut VIH pour chaque individu (oui/non)
statut de l’´etat d’ˆetre injecteur (oui/non)
Tab. 2 – Diff´erentes variables de la population d’´etude
5
M´
ethodes
5.1
G´
en´
eration de la population
Pour g´en´erer la population initiale d’usagers de drogues, nomm´ee ”pop0”, de taille n et ayant
les mˆemes caract´eristiques que celles de l’enquˆete en termes de distribution d’ˆage, de statut VHC,
de statut VIH, du fait d’ˆetre injecteur ou d’avoir des pratiques `a risque, nous nous sommes servis
des r´esultats de l’enquˆete Coquelicot 2004. Les ´etapes suivantes ont ´et´e respect´ees :
– les individus ont ´et´e dupliqu´es selon leur poids de sondage multipli´e par 50, un nombre
choisi arbitrairement pour avoir une tr`es grande population ;
– un nombre al´eatoire a ensuite ´et´e affect´e `a chaque individu ;
– puis, les individus ont ´et´e ordonn´es selon ce nombre al´eatoire ;
– enfin, les n premiers individus ont ´et´e s´electionn´es pour constituer notre population nouvellement g´en´er´ee ”pop0”.
La population des usagers de drogue b´en´eficie de prestations propos´ees `a diff´erents moments
de la journ´ee par diff´erentes structures d’accueil d´edi´ees `a leur usage. En se basant sur le design
de l’enquˆete Coquelicot, on suppose que :
– 80 structures ont propos´e 10 prestations par demi-journ´ee d’ouverture ;
– Les structures ´etaient ouvertes du lundi au vendredi, soit 5 jours par semaine ;
– L’enquˆete a dur´e 8 semaines ;
– Le nombre de fr´equentations des UD suit une distribution binomiale n´egative de moyenne
µ = 3 et de variance θ = 10.
A chaque individu est associ´ee au moins une prestation durant une demi-journ´ee donn´ee
dans une structure donn´ee. 1000 ´echantillons de taille 2000 ont ´et´e g´en´er´es selon un sondage `
a
trois degr´es appel´e ´echantillonnage lieux-moments :
– Au premier degr´e : 20 structures ont ´et´e tir´ees au sort selon un sondage al´eatoire simple ;
12
5.2
Mod`eles de r´egression
5
´
METHODES
– Au second degr´e : 25 demi-journ´ees d’ouverture ont ´et´e tir´ees au sort selon un sondage
al´eatoire simple dans chaque structure ´echantillonn´ee ;
– Au troisi`eme degr´e : 4 prestations ont ´et´e tir´ees au sort selon un sondage al´eatoire simple
dans chaque demi-journ´ee d’ouverture ´echantillonn´ee.
5.2
Mod`
eles de r´
egression
En ´epid´emiologie, plusieurs mod`eles d’analyse par r´egression sont couramment utilis´es :
r´egression lin´eaire, r´egression logistique, r´egression de Poisson, mod`ele de Cox, etc. Effectuer une
r´egression, c’est tenter de r´eduire les donn´ees d’un ph´enom`ene complexe en une loi math´ematique
simplificatrice. Un mod`ele d’analyse par r´egression permet d’exprimer la distribution conjointe
de plusieurs variables. Ce mod`ele vise `a expliquer une ou des variables dites « d´ependantes
» (variable(s) `a expliquer) par un ensemble de variables dites « ind´ependantes » (variables
explicatives). Une variable Y peut donc ˆetre exprim´ee en fonction de plusieurs variables Xi .
En ´epid´emiologie, Y caract´erise la maladie (ou sa distribution dans la population). Les Xi caract´erisent les facteurs de risque de la maladie ou des variables d’ajustements. Ils peuvent ˆetre
qualitatifs ou quantitatifs. Ces mod`eles sont donc int´eressants car ils supposent une certaine
mod´elisation de la r´ealit´e. Par exemple, on peut mod´eliser (repr´esenter) la relation entre Y
et les Xi sous forme lin´eaire. Les conclusions tir´ees des analyses par r´egression sont en partie
conditionn´ees par le bien-fond´e des hypoth`eses faites (par exemple lin´earit´e). En ´epid´emiologie
deux mod`eles de r´egression sont particuli`erement utilis´es, la r´egression lin´eaire et la r´egression
logistique.
R´
egression lin´
eaire
Consid´erant Y comme ´etant une variable continue `a expliquer et Xi un ensemble de variables
explicatives, on a :
p
g [E (Y | X1 , . . . , Xp )] = α + β1 X1 + . . . + βp Xp = α +
βi Xi
(1)
l=1
o`
u g d´esigne une fonction de lien, E l’esp´erance de Y connaissant X1 , . . . , Xp , et α et β sont des
coefficients de r´egression. L’´equation 1 peut ˆetre not´ee :
13
5.2
Mod`eles de r´egression
5
´
METHODES
g [E (Y | X)] = α + βX
o`
u β est un vecteur des coefficients de r´egression et X un vecteur de variables explicatives.
R´
egression logistique
Le mod`ele de r´egression logistique permet d’estimer la force de l’association entre une variable
quantitative `a deux classes appel´ee variable d´ependante et des variables qui peuvent ˆetre qualitatives ou quantitatives appel´ees variables explicatives ou ind´ependantes. La fonction logistique
poss`ede des caract´eristiques math´ematiques expliquant son emploi en ´epid´emiologie : elle est
born´ee entre 0 et 1 ce qui est bien utile lorsqu’on mod´elise la probabilit´e de survenue d’une
maladie. La fonction logistique se note :
f (X) =
1
1 + exp−(α + βX)
(2)
Si Y est une variable al´eatoire discr`ete, l’esp´erance de Y se note par :
E (Y ) =
xP (Y = x)
x
Dans le cas o`
u Y est binaire (0 pour une non infection et 1 pour une infection) l’esp´erance
E s’´ecrie :
E (Y ) = 0 × P (Y = 0) + 1 × P (Y = 1) = P (Y = 1)
(3)
La r´egression logistique s’´ecrit alors :
P (Y = 1 | X1 , . . . , Xp ) =
1
1 + exp(α +
p
i=1 βi Xi )
(4)
Polynˆ
omes fractionnaires
Pour inclure une ou plusieurs variables explicatives continues dans un mod`ele de r´egression
on utilise des polynˆomes fractionnaires [19] ou des splines. Les polynˆomes fractionnaires sont une
14
5.2
Mod`eles de r´egression
5
´
METHODES
extension de polynˆomes classiques car les puissances peuvent ˆetre r´eelles. Si l’on souhaite introduire l’ˆage a comme une variable explicative continue, on va utiliser un polynˆome fractionnaire
d’ordre m pour le pr´edicteur lin´eaire η(a) d´efini comme :
m
ηm (a, β, p1 , p2 , . . . , pm ) =
βj Hj (a),
j=0
o`
u m est un entier, β un vecteur de coefficients de r´egression, p1 ≤ p2 . . . ≤ pm est une
s´equence de puissances et Hj (a) est d´efinie r´ecursivement, pour tout j = 0,. . . , m comme suit :
Hj (a) =
apj
si pj = pj−1
H (a) × ln(a)
j−1
si pj = pj−1
avec pour valeurs initiales p0 = 0 et H0 = 1.
Classiquement les puissances sont choisies dans un ensemble restreint des valeurs {-2;-1;-0.5;0;.5;1;2;3}. Une variable explicative continue peut donc ˆetre mod´elis´ee par un polynˆome fractionnaire dans un mod`ele de r´egression quel que soit le type de r´egression.
Fonctions splines
Le mot anglais ”spline” d´esigne une latte flexible utilis´ee par les dessinateurs pour mat´erialiser
des lignes `a courbure variable et passant par des points fix´es a priori ou `a ”proximit´e” de ceuxci. Le trac´e ainsi r´ealis´e minimise l’´energie de d´eformation de la latte. Par analogie, ce mot
d´esigne ´egalement des familles de fonctions permettant de repr´esenter des courbes observ´ees
avec des propri´et´es ”optimales” de r´egularit´e. Le principe g´en´eral des fonctions splines en analyse
statistique des donn´ees est r´esum´e par les ´etapes suivantes :
– L’ensemble des valeurs de la variable X est d´ecoup´e en (k + 1) intervalles. On choisit pour
cela k valeurs num´eriques (appel´ees ”noeuds”) qui d´efinissent les bornes des intervalles.
– Au sein de chaque intervalle, la relation entre Y et X est mod´elis´ee par un polynˆome de
degr´e d.
– Les coefficients des polynˆomes sont choisis de sorte que la courbe totale soit la plus r´eguli`ere
possible (c’est-`a-dire sans rupture et ”lisse”, ou encore ”sans angle”), ce qui se traduit sur
le plan math´ematique par le fait qu’elle est continue, et d´erivable (d − 1) fois.
15
5.3
Mod`ele compartimental pour le VHC
5.3
5
´
METHODES
Mod`
ele compartimental pour le VHC
La propagation d’un agent infectieux au sein d’une population est un ph´enom`ene dynamique : les effectifs d’individus non infect´es et infect´es ´evoluent dans le temps, en fonction des
contacts. Un tel ph´enom`ene peut ˆetre ´etudi´e en s´eparant les individus selon leurs statuts dans
des compartiments [3, 4]. On appelle susceptible la fraction de population qui est non infect´ee
mais pouvant potentiellement devenir infect´ee en contact avec un virus et on note S le compartiment contenant ces individus. En un instant t, le compartiment S comporte S(t) individus. De la
mˆeme fa¸con, on qualifie d’infect´es les individus infect´es par le virus. Le compartiment contenant
cette fraction de la population sera not´e I et contient I(t) individus au temps t. Les individus
peuvent alors passer d’un ´etat `a un autre et changer de compartiments. Ce ph´enom`ene peut
donc ˆetre mod´elis´e par des ´equations diff´erentielles et d´eterminer son comportement `a travers
la r´esolution num´erique de ces ´equations [6, 7].
Sch´ematiquement un mod`ele SIS peut ˆetre repr´esent´e comme en Figure 2 :
β
S(a, t)I(a, t)
S(a, t)
ˠ
µ1
I(a, t)
µ1+ µ2
Fig. 2 – Mod`ele SIS d´ecrivant la transmission du virus de l’h´epatite C.
avec :
β : taux de nouveaux UD ;
t : temps ;
γ : taux de s´eror´eversion ;
µ1 : taux de mortalit´e (non li´e `a l’infection) ;
µ2 : taux de mortalit´e li´e `a l’infection ;
m : taux de contact ;
S : fraction des personnes susceptibles ;
I : fraction des personnes infectieuses ;
a : ˆage (en ann´ee).
Il est `a noter que plusieurs mod`eles peuvent ˆetre utilis´es pour mod´eliser la propagation
16
5.4
Param`etres du mod`ele
5
´
METHODES
de l’h´epatite C. Par exemple un compartiment nomm´e E contenant des personnes en p´eriode
d’incubation pourrait ˆetre ajout´e pour aboutir `a un mod`ele SEIS.
Les hypoth`eses `a consid´erer pour le mod`ele SIS dans notre cas sont les suivantes :
1. Nous avons au d´epart deux groupes d’individus : les personnes susceptibles S et les personnes infectieuses I (qui sont infect´ees et peuvent transmettre la maladie). Une personne
est consid´er´ee comme ´etant infectieuse si elle pr´esente des anticorps anti-VHC ;
2. Au fil du temps le groupe des personnes infectieuses va ˆetre aliment´e par le groupe des
personnes susceptibles S suivant une force d’infection mI(a, t), m ´etant le taux de contact,
a et t repr´esentant respectivement l’ˆage et le temps ;
3. Les personnes infectieuses I peuvent redevenir susceptibles suivant un taux de s´eror´eversion
γ;
4. Des nouvelles personnes peuvent s’ajouter au groupe des S suivant un taux β ;
5. Dans le groupe S les personnes peuvent mourir d’une mort naturelle suivant un taux µ1 ;
6. Dans le groupe I les personnes peuvent mourir d’une mort naturelle suivant le taux µ1 ou
d’une mort li´ee `a l’infection par le VHC suivant un taux µ2 .
Ce mod`ele peut ˆetre repr´esent´e sous forme d’´equations diff´erentielles par le syst`eme suivant :
dS(a, t)
= −mI(a, t)S(a, t) − µ1 S(a, t) + βS(a, t) + γI(a, t)
d(a, t)
(5)
dI(a, t)
= mI(a, t)S(a, t) − (µ1 + µ2 )I(a, t) − γI(a, t)
d(a, t)
5.4
Param`
etres du mod`
ele
La p´eriode d’´etude t, consid´er´ee dans ce travail, est de sept ans avec un pas de temps annuel.
Cette p´eriode s’inspire des deux enquˆetes ´epid´emiologiques Coquelicot de 2004 et 2011, d’o`
u nous
tirons les donn´ees utilis´ees dans nos recherches. Les valeurs des param`etres ont ´et´e essentiellement
tir´ees de la litt´erature. La s´eror´eversion γ a ´et´e fix´ee `a 0.001 [13]. Le taux de mortalit´e (non li´e `
a
l’infection) chez les usagers de drogues µ1 a ´et´e fix´e `a 1.5% [14]. Un article r´ecent [12] consid`ere
le taux de mortalit´e toutes causes parmi les UD infect´es par le VHC ´egal `a 1.85% (parmi les
ARN+ : 1.75% et parmi les ARN- : 2.05%). 7.5% des d´ec`es parmi les ARN+ sont dus `a une
maladie du foie contre 2.3% parmi les ARN-. Le taux de d´ec`es est de 2.35% personnes-ann´ees
17
5.5
Estimation de la force d’infection (FOI)
5
´
METHODES
´
parmi les UDI ; 3.15 fois plus de d´ec`es chez les VIH+ par rapport au VIH- [15]. Etant
donn´e que
(µ1 + µ2 ) repr´esente le taux de mortalit´e toutes causes parmi les UD infect´es par le VHC, et que
µ1 est d´ej`a fix´e `a 1.5%, µ2 a ´et´e obtenu par la diff´erence : µ2 = 1.85% − 1.5%. La proportion de
personnes int´egrant la population d’usagers de drogues (β) a ´et´e fix´ee `a 3% par an en se basant
sur les donn´ees d’enquˆete Coquelicot. Nous avons consid´er´e que les nouveaux UD sont ˆag´es de
18 `a 34 ans, ce dernier ´etant l’ˆage m´edian de notre population d’´etude. La moyenne d’ˆage des
nouveaux ID ´etait de 26 ans [16].
5.5
Estimation de la force d’infection (FOI)
5.5.1
Mod´
elisation de la force d’infection en fonction de l’ˆ
age
Nous avons estim´e la force d’infection en l’exprimant en fonction de la d´eriv´ee de la pr´evalence
en utilisant des polynˆomes fractionnaires. Deux fonctions de lien ont ´et´e utilis´ees : ”complementary log-log” et ”logit”.
Partant des ´equations diff´erentielles (5), nous d´efinissons la force d’infection par λ(a, t) =
mI(a, t)
Le syst`eme (5) devient alors :
dS(a, t)
= −λ(a, t)S(a, t) − µ1 S(a, t) + βS(a, t) + γI(a, t)
d(a, t)
(6)
dI(a, t)
= λ(a, t)S(a, t) − (µ1 + µ2 )I(a, t) − γI(a, t)
d(a, t)
De (6) on a :
∂
∂
S(a, t) + S(a, t) = −λ(a, t)S(a, t) − µ1 S(a, t) + βS(a, t) + γI(a, t)
∂a
∂t
∂ I(a, t) + ∂ I(a, t) = λ(a, t)S(a, t) − (µ1 + µ2 + γ)I(a, t)
∂a
∂t
18
(7)