UNIVERSITE NATIONALE DE HANOI
ECOLE SUPERIEURE DE LANGUES ETRANGERES
DEPARTEMENT DE FORMATION POST-UNIVERSITAIRE
NGUYỄN THỊ THÚY
ACTE D’EXCUSE EN FRANÇAIS ET EN VIETNAMIEN
LỜI XIN LỖI TRONG TIẾNG PHÁP VÀ TIẾNG VIỆT
Mémoire de fin d’études post-universitaires
Branche : Linguistique
Code de la branche : 60.22.20
Hanoï – 2012
2
UNIVERSITE NATIONALE DE HANOI
ECOLE SUPERIEURE DE LANGUES ETRANGERES
DEPARTEMENT DE FORMATION POST-UNIVERSITAIRE
NGUYỄN THỊ THÚY
ACTE D’EXCUSE EN FRANÇAIS ET EN VIETNAMIEN
LỜI XIN LỖI TRONG TIẾNG PHÁP VÀ TIẾNG VIỆT
Mémoire de fin d’études post-universitaires
Branche : Linguistique
Code de la branche : 60.22.20
Directrice de recherche : Pr.Dr. NGUYỄN VÂN DUNG
Hanoï – 2012
4
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 7
CHAPITRE I. FONDEMENT THEORIQUE 10
1. Cadre théorique 10
1.1 Acte de langage 10
1.1.1 Notion d’acte de langage 10
1.1.2 Classification des actes de langage 11
1.1.3 Formulations des actes de langage 11
1.2 Relation interpersonnelle dans l’interaction verbale 13
1.2.1 Relation horizontale 14
1.2.2 Relation verticale 14
1.3 Politesse 15
1.3.1 Notions de “face” et de “territoire” de E.Goffman 16
1.3.2 Modèle de politesse de Brown et Levinson 16
1.3.3 Modèle de politesse de C.Kerbrat-Orecchioni 17
2. Acte d’excuse 21
2.1 Essai de définition 21
2.2 Fonction des excuses 22
2.3 Structuration générale de l’échange 23
CHAPITRE II. CONSTITUTION ET DESCRIPTION DU CORPUS 24
1. Constitution du corpus 24
1.1 Choix de la méthode de collecte des données 24
1.2 Présentation du corpus 26
1.2.1 Corpus en français 26
1.2.2 Corpus en vietnamien 27
1.3 Méthodes d’analyse des données 29
2. Description du corpus 29
2.1 Types d’excuse 29
2.1.1 Types d’excuse basés sur la raison réparatrice 29
2.1.2 Types d’excuse basés sur la présence des interactants 30
2.1.3 Types d’excuse basés sur la manière de réaliser l’excuse 31
5
2.2 Relation interpersonnelle et excuse 32
2.2.1 Relation horizontale 32
2.2.2 Relation verticale 34
2.3 Excuse et face des interactants 35
2.3.1 Excuse et face du locuteur 35
2.3.2 Excuse et face de l’interlocuteur 36
2.4 Réaction à l’excuse 36
2.4.1 Réaction positive 36
2.4.2 Réaction négative 38
CHAPITRE III. TYPES D'EXCUSE ET MOYENS DE REALISATION 41
1. Types d’excuse et moyens de réalisation de cet acte 41
1.1 Types d’excuse basés sur la raison répatrice 41
1.1.1 Formule prétendument réparatrice 41
1.1.2 Excuse rétrospective 43
1.1.3 Excuse prospective 44
1.2 Types d’excuse basés sur la présence des interactants 45
1.2.1 Excuse directe 45
1.2.2 Excuse indirecte 47
1.3 Types d’excuse basés sur la manière de réaliser l’excuse 48
1.3.1 Excuse explicite 48
1.3.2 Excuse implicite 50
1.3.3 Excuse mixte (explicite et implicite) 56
2. Bilan comparatif sur la réalisation de l’excuse en français et en vietnamien 60
2.1 Similitudes 61
2.2 Différences 62
2.3 Essai d’explication par les facteurs socio-culturels 63
CONCLUSION 66
BIBLIOGRAPHIE 68
ANNEXES 70
6
Liste des tableaux
Tableau
Contenu
1
Taux des types d’excuse basés sur la raison réparatrice
2
Taux des types d’excuse basés sur la présence des interactants
3
Taux des types d’excuse basés sur la manière de réaliser l’excuse
4
Taux de la relation horizontale et de l’excuse
5
Taux de la relation verticale et de l’excuse
6
Taux des moyens linguistiques dans la réalisation de l’excuse
explicite, implicite et mixte (explicite et implicite)
Liste des graphiques
Graphique
Contenu
1
Taux des types d’excuse basés sur la raison réparatrice
2
Taux des types d’excuse basés sur la présence des interactants
3
Taux des types d’excuse basés sur la manière de réaliser l’excuse
4
Taux de la relation horizontale et de l’excuse
5
Taux de la relation verticale et de l’excuse
7
INTRODUCTION
De nos jours, les échanges commerciaux, culturels et scientifiques entre la
France et le Vietnam multiplient les occasions de contact. Pourtant, la rencontre
interculturelle entre les deux nations ne se révèle pas toujours facile car elle peut être
perturbée par des obstacles de communication. Notre propre expérience et notre
observation des comportement langagiers nous permettent de constater que nos
apprenants, malgré des années d’apprentissage du français, ont beaucoup de
difficultés à s’exprimer lorsqu’ils s’engagent dans la conversation avec les Français.
Leurs difficultés ne se limitent pas seulement aux facteurs purement linguistiques
mais aux autres facteurs, de nature pragmatique et socioculturelle.
Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, à côté du savoir et du savoir-
faire, l’acquisition du savoir-être est indispensable. Selon Louis Porcher (2004: 35,
36), le savoir-être ou le “savoir se comporter” sur le plan communicationnel
“permet la réelle participation de l’étranger à la vie communicationnelle” et consiste
à être capable de “réaliser les actes de parole dans la situation adéquate avec les
interlocuteurs appropriés, au moment opportun, ”
Facile à dire, difficile à faire pour les enseignants de langues étrangères.
Comment faire pour faire acquérir cette compétence aux apprenants? Il s’agit d’un
très vaste domaine. Le temps ne nous a pas permis de tout étudier, nous décidons
donc, de faire une étude sur un seul acte de langage, l’acte d’excuse. L
es actes de
langage constituent certes, depuis leur découverte par les philosophes
d'Oxford, un objet d'étude privilégié qui a attiré beaucoup de chercheurs
appartenant à des champs disciplinaires différents. I
ls constituent encore
aujourd'hui un terrain de réflexion tout à fait fertile qui reste largement
inexploré.
A l'intérieur de deux réalités communicatives vastes, complexes et
insaisissables du Vietnam et de la France, nous avons fait le choix de nous
pencher sur un aspect communicatif
précis et limité, un rituel verbal de
politesse, l’excuse, qui est
chargé de signification.
8
Aux yeux des étrangers, les Vietnamiens disent rarement “Pardon”, “Excusez-
moi” Est-ce que les Vietnamiens sont vraiment impolis? Ou bien les moyens pour
réaliser l’acte d’excuse en français et en vietnamien sont différents ? Quels sont les
moyens pour réaliser cet acte en deux langues? Curieuse de trouver des réponses à
ces questions, nous décidons de faire une étude comparative sur le fonctionnement
d’excuse en deux langues. La deuxième raison de ce choix est d’ordre scientifique.
Cet acte de langage reste sous-investi dans le domaine de recherche en sciences du
langage au Vietnam ainsi qu’à l’étranger, très peu de recherches ont été effectuées
sur cet acte. Cependant, l’excuse comme le remerciement, le compliment, les
salutations, les invitations représentent un échange formellement et
fonctionnellement typique. D’ailleurs, lorsqu'on observe les interactions
quotidiennes (françaises et vietnamiennes), on constate que l’excuse est un acte
dont l'emploi fréquent remplit des fonctions communicatives qui lui sont bien
spécifiques et qui méritent d'être étudiées.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire une étude sur cet
acte. Notre travail de recherche est intitulé « ACTE D’EXCUSE EN FRANÇAIS
ET EN VIETNAMIEN ».
Les premières réflexions sur l’acte d’excuse nous ont menée à des questions
suivantes : Quelles sont les caractéristiques de l’acte d’excuse ? Comment les
Français et les Vietnamiens formulent-ils l’excuse ?
De là, nous avons formulé les hypothèses suivantes : Il y a des similitudes et
des différences dans la formulation de l’excuse en français et en vietnamien. Et ces
différences peuvent être expliquées en partie par des facteurs socioculturels.
Notre travail a pour but de vérifier les hypothèses de départ, faire émerger les
similitudes et les divergences dans la réalisation de l’excuse en français et en
vietnamien. Il aidera sans doute les locuteurs à réduire les “ratés
conversationnelles” (Kerbrat-Orecchioni, 1990:21) ainsi qu’à remédier aux chocs
culturels et aux blocages dans les actes rituels qui viennent freiner l’apprentissage
du français et du vietnamien en tant que langues étrangères.
Pour réaliser l’objectif de notre recherche, nous avons recours aux méthodes
descriptive, analytique, comparative en partant de deux corpus littéraires
9
contemporains: l’un en français et l’autre en vietnamien. Il s’agit de décrire les
deux systèmes d’excuse et de les comparer l’un à l’autre pour pouvoir observer
clairement les ressemblances et les différences.
Notre travail de recherche se compose de trois chapitres: fondement théorique;
constitution et description du corpus; types d’excuse et moyens de réalisation.
Dans le premier chapitre, nous reprendrons tout d’abord quelques notions de
base de l’interaction verbale (l’acte de langage, la relation interpersonnelle dans
l’interaction verbale et la politesse) qui servent de point de départ pour les deux
parties suivantes. Ensuite nous présenterons l’acte d’excuse (la définition, les
fonctions, la structuration générale de l’échange réparateur).
Le deuxième chapitre sera consacré à la constitution et à la description du
corpus. Après la justification du choix et la présentation du corpus littéraire
contemporain, nous décrirons les formules d’excuse recueillies dans le corpus. À
partir de ces descriptions, les caractéristiques de cet acte pourront être identifiées.
Dans le dernier chapitre, nous analyserons les types d’excuse en français et en
vietnamien que nous avons observées dans notre corpus et désignerons des moyens
linguistiques pour les réaliser. Ensuite, nous ferons une étude comparative de leur
réalisation en français et en vietnamien pour faire ressortir des similitudes ainsi que
des différences dans cette réalisation dans les deux langues. C’est aussi dans ce
chapitre que nous voudrions faire émerger les facteurs socio-culturels qui
influencent en partie les comportements langagiers dans la réalisation de l’excuse en
français et en vietnamien.
10
CHAPITRE I
FONDEMENT THEORIQUE
Ce chapitre sert de point de départ pour notre analyse des caractéristiques et
des formulations de l’excuse en français et en vietnamien que nous allons détailler
dans les deux parties suivantes. Premièrement, nous aborderons les conceptions
théoriques concernant l’étude de l’acte d’excuse. La deuxième phase sera réservée à
l’analyse de l’acte d’excuse.
1. Cadre théorique
Pour pouvoir étudier l’acte d’excuse, il nous est indispensable de reprendre
quelques notions de base telles que l’acte de langage, la relation interpersonnelle et
la politesse dans l’interaction verbale. Une fois ces notions définies, nous étudierons
l’acte d’excuse.
1.1 Acte de langage
1.1.1 Notion d’acte de langage
Suivant la conception traditionnelle, le langage sert seulement à décrire le
monde réel. Selon les linguistes traditionels, les énoncés ont la propriété d’être vrais
ou faux.
Pourtant le philosophe britanique John L. Austin (1970) a remarqué que le
langage peut aussi réagir sur la réalité. Il a distingué 2 types d’énoncés : énoncés
constatif (décrire la réalité) et performatif (accomplir une action).
Ensuite, il a fait une distinction des actes de langage ou actes illocutoires (ou
acte effectué en disant quelque chose – quand dire, c’est faire, comme l’action de
promettre, d’ordonner, mais non point celles de marcher ou de tricoter). Les actes
illocutoires se distinguent de l’acte locutoire (ou acte de dire quelque chose); et de
l’acte perlocutoire (ou acte effectué par le fait de dire quelque chose).
Selon John R. Searle (1972: 52) “parler une langue, c’est réaliser des actes de
langages”. Chaque acte a un contenu propositionnel et une force illocutoire
particulière (acte de promesse, de reproche, de requête, de voeu, )
11
1.1.2 Classification des actes de langage
Searle a proposé une taxinomie d’actes de langage. Les actes illocutoires y
sont classés en 5 catégories
1
:
- Les assertifs : ils ont pour but d’engager la responsabilité du locuteur (à des
degrés divers) sur la vérité de la proposition exprimée, sur l’existence d’un état de
chose. Les mots s’ajustent au monde, l’état psychologique est la conviction à propos
du contenu, quel que soit le degrée de force. Exemple: “J’irai à Paris la semaine
prochaine”;
- Les directifs : leur but est d’obtenir que l’interlocuteur fasse quelque chose
et cela peut aller de la timide suggestion à l’impérieuse exigence. Le monde doit
s’ajuster aux mots, et l’état psychologique est le désir/ la volonté. Exemple: “Viens
chez moi ce soir!”;
- Les promissifs : où le but est d’engager le locuteur à l’accomplissement
d’une action, le monde doit s’ajuster aux mots, et l’état psychologique nécessaire
est la sincérité de l’intention. Exemple: “Je viendrai.”;
- Les expressifs : ces actes visent à exprimer l’état psychologique sous
condition de sincérité. Pour les expressifs, il n’y a pas d’ajustement du monde aux
mots (la direction vide s’ajustement), et le contenu attribue une propriété soit au
locuteur, soit à l’interlocuteur. Exemple: “Pardonnez-moi”;
- Les déclaratifs : ils ont pour but d’instaurer une réalité, la correspondence
entre mots et monde est directe (la double direction d’ajustement). Il n’y a pas d’état
psychologique générique associé aux déclaratives, de par leur nature
institutionnelle. Dans cette catégorie, se trouvent tous les performatifs dont le
fonctionnement repose sur l’existence dans le monde extralinguistique de telle ou
telle institution. Cette existence de l’institution est nécessaire pour que la
déclaration soit accomplie avec succès. Exemple: “Je vous désigne président de
cette association ”.
1.1.3 Formulations des actes de langage
Des actes de langages peuvent être réalisés par les formulations directes et
indirectes.
1
Cité par Tran The Hung 2005 : 30
12
a. Formulations directes
Les actes de langage directs se réalisent en général grâce à des verbes
performatifs ou des formes de phrase. Par exemple :
“ Je te conseille de ne plus fumer” (1)
“ Ne fume plus !” (2)
Au premier énoncé, l’énonciateur a recours à l’utilisation du verbe performatif
“conseiller”. Quand on dit “je te conseille…”, on accomplit automatiquement l’acte
de conseil. Les verbes performatifs indiquent explicitement l’acte accompli en
même temps qu’il est énoncé. Ils ne sont utilisés qu’à la première personne et au
présent. Un verbe ne peut pas être performatif “par nature”, il ne peut l’être
qu’occasionnellement et dans certaines conditions d’emploi. Il doit être employé à
la première personne au présent de l’indicatif. Si le locuteur s’engage dans un acte,
l’engagement est pris vis-à-vis d’un destinataire précis, qui doit être explicitement
désigné dans l’énoncé.
Au deuxième énoncé, le conseil est formulé sous forme de phrase impérative.
Cette formulation ne nomme pas l’acte accompli mais le marque de façon explicite.
C’est pour cette raison que les actes directs sont appelés encore actes explicites.
En ce qui concerne les formes de phrases, celles-ci peuvent parfois être
polysémiques (Ex : Je viendrai ! Selon les contextes, cette phrase peut être une
promesse ou bien une menace.)
b. Formulations indirectes
L’acte de langage indirect est un acte illocutoire accompli indirectement par
l’accomplissement d’un autre. Il existe deux types de formulations indirectes:
formulation indirecte conventionnelle et formulation indirecte non conventionnelle.
- L’acte de langage indirect conventionnel “fait partie d’un répertoire
d’actes de discours socialement reconnus”
2
. Par exemple :
Peux-tu ouvrir les fenêtres ?
2
Tiré de:
13
Apparemment, c’est une question qui porte sur la capacité de l’interlocuteur.
Pourtant, cette question ne demande pas une réponse de type Oui/ Non mais la
réaction de l’interlocuteur: il voudrait que l’interlocuteur ferme la porte.
Il a été admis que hors de certains contextes particuliers, cette structure
interrogative fonctionne conventionnellement comme une requête. Autrement dit, la
requête s’exprime conventionnellement par le biais d’une question. Searle (1982 :
12) appelle “secondaire” l’acte de question et “primaire”, l’acte de requête. Sous
l’angle d’interprétation, la valeur de question est dite “littérale” et la valeur de
requête, “dérivée”.
- Pour la formulation indirecte non-conventionnelle, aucun indice ne dit que
l’on fait tel ou tel acte. Ce sont les lois de discours et le contexte qui déterminent
l’acte. Voici un exemple :
Il fait chaud dans cette chambre.
Cet énoncé prend la forme d’une assertion. Cette assertion porte sur l’état de la
porte. Dans certaines circonstances, cet énoncé peut avoir la même valeur de
demander d’ouvrir la porte. Elle est alors “non-conventionnelle”. Mais que faire
pour comprendre que c’est une requête et pas une simple assertion? Il faut nous
baser sur le contexte situationnel et les lois de discours ou le principe de
coopération de Grice. C’est lui qui permet d’interpréter la valeur primaire et la
valeur dérivée de l’acte.
En général, la formulation indirecte d’un acte de langage consiste à affirmer
ou interroger sur l’une des conditions de réussite de l’acte en question. Revenant
aux deux exemples cités ci-dessus, on trouve que le premier porte sur la condition
de réussite concernant le destinaire, plus concrètement sur sa capacité d’ouvrir la
porte. Dans le deuxième, l’énoncé porte sur l’état de chose au moment de
l’énonciation.
1.2 Relation interpersonnelle dans l’interaction verbale
Selon la définition de W. Labov et D. Fanshel (cité par Kerbrat-Orecchioni. C
1996 : 41), une interaction est aussi “une action qui affecte les relations de soi et
d’autrui dans la communication en face à face”. Cela veut dire que la relation entre
les interactants se construit par le biais de l’échange verbal. Kerbrat-Orecchioni
14
distingue deux types de relations interpersonnelles : relation horizontale et relation
verticale.
1.2.1 Relation horizontale
Dans une interaction, le locuteur et le destinataire peuvent se montrer
proches/intimes ou éloignés/distants.
L’état de la relation horizontale dépend à la fois des données contextuelles
fixées à l’ouverture de l’interaction (le degré de connaissance des interactants, la
nature de leur lien socio-affectif, la situation de communication informelle, formelle
ou cérémonielle, etc) ainsi que des signes verbaux, paraverbaux et non-verbaux. Les
premiers sont les caractéristiques externes et les secondes, les caractéristiques
internes de l’interaction.
En principe, la relation horizontale est négociable, et souvent négociée, de
manière explicite ou implicite. Généralement, la distance entre les interactants
évolue au cours de l’interaction. Cette évolution est le plus souvent dans le sens de
rapprochement progressif.
Ce type de relation est de nature symétrique. La dissymétrie reflète tantôt une
divergence dans la façon dont les interactants appréhendent leur relation
horizontale, tantôt l’existence entre eux d’un rapport hiérarchique fort.
Les marqueurs de la relation horizontale – les relationèmes horizontaux sont
très nombreux. Ils peuvent être de nature verbale : les termes d’adresse, les thèmes
abordés dans l’interaction et les niveaux de langue utilisés. Il existe également des
relationèmes de nature paraverbale comme l’intensité articulatoire et le timbre de la
voix, le débit, la rapidité des enchaînements et les chevauchements de parole. En ce
qui concerne les marqueurs non-verbaux, il faut parler de la distance spaciale, des
gestes, du posture des interactants…
1.2.2 Relation verticale
Les participants à une interaction ne sont pas toujours égaux. En effet, l’un
d’entre eux peut avoir une position “haute”, de dominant et l’autre se trouve en
position “basse”, de dominé. Ainsi, contrairement à la relation horizontale, la
relation verticale est principalement dissymétrique. Pourtant, le dominé cherche
15
toujours des stratégies de résistance et de contre-pouvoir, qui peuvent bien entendu
réussir ou échouer, afin de reprendre le statut d’égalité.
L’inégalité des interactants dépend tout d’abord des facteurs “externes” – des
données contextuelles comme l’âge, le sexe, le statut, la maîtrise de la langue, la
compétence, le prestige, voire la force physique … du locuteur et de l’interlocuteur.
Elle dépend également des caractéristiques “internes” de l’interaction qui
proviennent de la production des marqueurs de la relation verticale – “des
relationèmes verticaux” – “des taxèmes”.
Les relationèmes verticaux sont abondants. On distingue les “taxèmes de
position haute” et les “taxèmes de position basse”. Ainsi que les relationèmes
horizontaux, les relationèmes verticaux peuvent être de nature non verbale
(l’apparence physique et la tenue vestimentaire des interactants, l’organisation de
l’espace communicatif, les postures, les regards, les gestes mimiques, …), de nature
paraverbale (l’intensité vocale et le ton des interactants) ou de nature verbale. Les
marqueurs verbaux sont très divers: les termes d’adresse, l’organisation des tours de
parole, l’interruption et l’intrusion, l’organisation structurale de l’interaction, les
actes de langage produits durant l’interaction, les thèmes abordés dans l’interaction,
le vocabulaire et l’interprétation de l’interactant.
1.3 Politesse
La politesse en question dans notre travail de recherche est la politesse
linguistique. Il est à remarquer qu’elle est liée à la relation interpersonnelle des
interactants. Elle a pour fonction de préserver le caractère harmonieux de cette
relation. Selon Kerbrat-Orecchioni (1996 : 50) “ il est impossible de décrire
efficacement ce qui se passe dans les échanges communicatifs sans tenir compte de
certains principes de politesse”. Ces principes gèrent essentiellement les
comportements du locuteur envers son interlocuteur mais aussi les comportements
envers une troisième personne ou envers lui-même.
La conception de la politesse a été étudiée et développée par plusieurs
chercheurs parmi lesquels Goffman, Brown et Levinson ainsi que Kerbrat-
Orecchioni.
16
1.3.1 Notions de “face” et de “territoire” de E. Goffman
La face est définie, dans “ Les rites d’interaction” (Goffman 1974) comme “la
valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers la ligne
d’actions que les autres supposent qu’elle a adopté au cours d’un contact
particulier”. Pour cet auteur, la face joue un rôle très important pour chaque
individu : elle l’attache. C’est pour cette raison que chacun doit chercher à se
protéger la face mais en préservant la face de son interlocuteur au cours de
l’interaction. Pour résoudre cette contradiction, il faut que chacun des interactants
entreprenne, pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne, y compris
elle-même, ce qui est appelé “face work” que nous allons définir dans la partie qui
suit.
En ce qui concerne la notion du “territoire”, dans “La mise en scène de la vie
quotidienne” (1973), Goffman a distingué huit catégories de “territoire”: l’espace
personnel, la place, l’espace utile, le tour, l’enveloppe, le territoire de la possession,
les réserves d’information, les domaines réservés de la conversation.
1.3.2 Modèle de politesse de Brown et Levinson
Suite à Goffman, Brown et Levinson ont entrepris des recherches sur la
politesse. L’étude de la politesse de Brown et Levinson se fonde sur la notion de
“face” empruntée à E.Goffman. (Kerbrat-Orecchioni 1996:51). Dans leur théorie de
politesse, ils ont étudié les notions de “face”, de FTA (face threatening act), de
“face want” (aménagement de face) et de “face work” (travail de face).
a. Notion de “face”
Tout individu possède deux faces:
la face négative : qui correspond en gros au territoire du moi
la face positive: qui correspond en gros au narcissisme, et à l'ensemble des
images valorisantes.
b. Notion de FTA
Tout au long de l'interaction, les interlocuteurs sont amenés à accomplir un
certain nombre d'actes verbaux et non verbaux qui menacent l'une ou l'autre de ces
17
quatre faces. Ces actes menaçant pour les faces sont appelés FTA (Face Threatening
Act). Ils sont de quatre types:
Actes menaçant pour la face négative de celui qui les accomplit. Ex :
l’offre, la promesse.
Actes menaçants pour la face positive de celui qui les accomplit. Ex : les
comportements autogradants comme l’excuse, l’autocritique, l’aveu.
Actes menaçants pour la face négative de celui qui les subit. Ces actes
peuvent être de nature non verbale comme les agressions visuelles, sonores ou
olfactives ; les contacts corporels indus ; Ils peuvent également être de nature
verbale : les questions indiscrètes, les actes dérangeants ou directifs comme l’ordre,
la requête, l’interdiction ou le conseil.
Actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit. Ex : le
reproche, la critique, la réfutation, la moquerie, l’insulte, l’injure
c. Notion de face want (ménagement de face)
Puisque la plupart des actes sont potentiellement menaçants pour la ou les
faces des interactants, ces derniers doivent chercher à se ménager les uns les autres,
c’est-à-dire limiter, éviter le plus possible de faire perdre la face à autrui ainsi qu’à
eux-mêmes. Le besoin, le désir de préservation des faces est appelé “face want” –
ménagement de face.
d. Notion de face work (travail de face)
Pour entretenir une bonne relation interpersonnlle, il faut que les interactants
protègent la face d’autrui et d’eux-mêmes. Selon Brown et Levinson, on doit avoir
recours aux différentes stratégies de politesse. Le choix de telle ou telle stratégie
dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels, les trois les plus importants qui
englobent les autres sont le degré de gravité du FTA, la “distance sociale” entre les
interlocuteurs et leur “relation de pouvoir”.
1.3.3 Modèle de politesse de C.Kerbrat-Orecchioni
Kerbrat-Orecchioni est considérée comme la référence française en matière de
politesse linguistique. C’est elle qui a introduit la notion de FFA (Face Flattering
18
Act) et a beaucoup travaillé sur la politesse négative vs positive ains que les
stratégies de politesse.
a. Notion de FFA (Face Flattering Act)
Brown et Levinson ont envisagé les actes potentiellement menaçants pour les
faces des interlocuteurs et ils ont identifié la politesse le fait d’adoucir, limiter ou
éviter ces FTAs. Quant à Kerbrat-Orecchioni, elle remarque qu’à côté des FTAs, il
existe des actes de langage susceptibles de valoriser les faces, par exemple
l’invitation, le compliment, le remerciement, la félicitation, le voeu… Ces actes
sont appelés FFAs (Face Flattering Acts). Les actes de langage se regroupent ainsi
en deux grandes catégories : ceux qui ont des effets positifs sur les faces des
interactants tels que le compliment, le remerciement et ceux qui ont des effets
négatifs sur leurs faces (l’ordre, la requête, le reproche…).
b. Politesse négative vs positive
C’est à partir de la notion de FFAs que Kerbrat-Orecchioni donne les notions
de “politesse négative” et “politesse positive”. La politesse négative est de nature
absentionniste ou compensatoire : elle vise à éviter de commettre un FTA ou à en
adoucir l’effet. La politesse positive est de nature productionniste : elle consiste à
produire de temps en temps des FFAs et de les renforcer ou les hyperboliser.
Selon elle, la politesse positive joue un rôle aussi important que la politesse
négative. Se montrer poli est non seulement minimiser les FTAs mais encore
produire et hyperboliser les FFAs.
Dans cette perspective, Kerbrat-Orecchioni a défini la politesse comme “ un
système de règles de comportement visant à ménager (politesse négative) ou à
valoriser (politesse possitive) les faces d’autrui sans attenter aux siennes propres”.
c. Manifestations linguistiques de la politesse
Politesse positive
Les formules de politesse positive se prêtent volontiers à la formulation
intensive ("merci mille fois" et jamais "merci un peu").
D'une manière générale, les locuteurs ont tendance à adoucir la formulation
des actes menaçants, et à renforcer celle des actes valorisants; à litotiser les énoncés
impolis et hyperboliser les énoncés polis.
19
Politesse négative
Comme tous les signes manipulés dans l'interaction, ces adoucisseurs peuvent
être de nature paraverbale ou non verbale : voix douce, sourire ou inclinaison
latérale de la tête. Quant aux adoucisseurs de nature verbale, ils se répartissent en
procédés substitutifs vs accompagnateurs.
La meilleure façon d’être poli, c’est d’éviter de commettre les actes risquant
de menacer les faces de l’interlocuteur. On l’appelle stratégie d’évitement. Elle
n’est cependant pas toujours appliquable dans l’interaction. En fait, il arrive que
l’on ne puisse pas éviter les actes menaçants dans de nombreuses situations. On doit
ainsi recourir aux procédés d’adoucisseur – terme emprunté à Brown et Levinson.
Les adoucisseurs peuvent être de nature non verbale ou paraverbale (par exemple, la
voix douce, le sourire, l’inclinaison latérale de la tête pour l’acte de requête, de
réfutation) et verbale. Les derniers sont en grand nombre et se réalisent à travers les
procédés substitutifs et accompagnateurs.
- Procédés substitutifs:
Les procédés substitutifs visent à remplacer une formulation directe par une
autre plus douce. Le procédé le plus important, c’est la formulation indirecte de
l’acte de langage. Examinons cet exemple : Comme la critique est un acte
menaçant, au lieu de la formuler de manière directe comme “Ce n’est pas bien de
faire ça”, on pourrait dire “ Je ne comprends pas pourquoi tu as fait ça ?”. Le
locuteur adoucit ainsi la menace pour la face de son interlocuteur.
À côté de la formulation indirecte, il existe des désactualisateurs modaux,
temporaux ou personnels. Voici des exemples :
“Vous ne devriez pas abuser de médicaments !” ( le conditionnel présent)
“Il est interdit de fumer ici!” (la construction impersonnelle)
“ On ne fume pas ici” (le pronom indéfini “on”)
“Ce problème n’a pas été correctement résoulu” (le passif)
On peut également adoucir des FTA en utilisant des pronoms personnels. Le
“vous” de politesse contribue à atténuer la brutalité de l’adresse. Le pronom “nous”
marque l’idée de la solidarité. Le pronom “on” peut remplacer “tu” si l’énoncé a un
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contenu négatif (“Tu t’es trompé”
“On s’est trompé”) ou “je” si l’énoncé a un
contenu positif (“J’ai gagné”
“On a gagné”).
Un autre procédé de substitution est le procédé rhétorique. Il s’agit ici de la
litote et de l’euphémisme qui s’appliquent souvent à l’acte de critique et de
reproche. “Ce n’est pas très bien/ sympa/ utile/ …, ce que tu viens de faire”
- Procédés accompagnateurs :
Les procédés accompagnateurs sont les formules spécialisées qui
accompagnent la formulation d’un FTA afin de l’adoucir.
Le premier procédé accompagnateur est l’utilisation d’une formule spécialisée
comme “s’il te/vous plaît” ou “je t’/vous prie”.
Le deuxième est l’emploi de “l’énoncé préliminaire”. Par exemple, pour
amortir une demande d’informations supplémentaires, on dit “Je pourrais vous
demander quelques renseignements supplémentaires ?”, “Je voudrais vous poser
une question ?”…
Pour le troisième procédé, on parle des “réparations” : l’excuse et la
justification.
Le quatrième procédé est le minimisateur qui vise à minimiser la menace
potentielle d’un acte par la façon dont on présente l’acte. “Je voudrais
simplement/seulement/ …”, “C’est juste pour …”.
Les modalisateurs constituent le cinquième procédé. Ils consistent à établir
une certaine distance entre le sujet d’énonciation et le contenu de l’énoncé, ce qui
rend l’opinion du locuteur moins catégorique et le rend alors plus poli : “Selon/
D’après/ Pour moi, …”, “ Je pense/ trouve/ crois que …”, etc.
Le sixième procédé est l’utilisation des désarmeurs. Ils visent à anticiper une
réaction négative potentielle du destinaire et à la désamorcer. Ex : “ Je ne voudrais
pas vous déranger mais …”.
Le dernier procédé accompagnateur est l’emploi des amadoueurs : Chéri(e),
Petit(e) chéri(e), Mon chou, …
En résumé, les procédés accompagnateurs de la politesse négative sont
nombreux et on peut en utiliser plusieurs en même temps. Ex : “Excuse-moi, chéri,
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je ne voudrais pas te vexer mais il me semble que tu as eu tort” (amadoueur +
excuse + désarmeur + modalisateur).
2. Acte d’excuse
Nous commençons par les définitions de l’excuse, ensuite nous présentons ses
fonctions, et finissons par la structure génénale de l’échange réparateur.
2.1 Essai de définition
Selon le site
l’excuse est la raison qu'on allègue pour se disculper, pour disculper un autre, ou
bien le prétexte.
Selon l'Académie française (1986)
3
, c’est un nom féminin désignant :
- Raison qu'on allègue pour expliquer ou atténuer une faute ou se dispenser
d'une obligation.
- Circonstance propre à disculper. Ex : Ses obligations professionnelles,
familiales, lui sont une excuse. Il ne manque pas d'excuses. Cette faute est sans
excuse.
- Justification produite pour expliquer une absence, un retard. Lettre, mot
d'excuse. Ellipt. Ce professeur exige une excuse des parents.
- Le plus souvent au pluriel. Formule de civilité dont on se sert pour engager
quelqu'un à l'indulgence. Ex: Je vous dois des excuses. Veuillez accepter mes
excuses. Ellipt. et fam. Mes excuses, toutes mes excuses. Exclam. Pour introduire
une objection. Mille excuses ! Pop. Faites excuses!
Le Centre national de Ressources textuelles et lexicales
4
définit l’excuse
comme suit :
- Manifestation physique ou verbale visant à abolir la culpabilité résultant
d'une faute, d'un manquement vis-à-vis de quelqu'un.
- Comportement, affect, geste ou parole interprétable comme un argument
montrant que l'auteur d'une action jugée incorrecte n'a pu (ne pourra) agir autrement
3
Tiré de :
4
Tiré de :
22
qu'il l'a fait (ou qu'il le fera). Pardon d'être entré ainsi, madame, mais je vous
croyais chez vous.
Selon les pragmaticiens, l’excuse est un acte représentatif des « échanges
réparateurs » (remedial exchange) qui a pour but de «transformer ce qu’on
pourrait considérer comme offensant en ce qu’on peut tenir pour acceptable »
(Goffman, 1974: 54). L’excuse est, principalement, un acte consécutif qui
présuppose un acte offensant préalable. Néanmoins, elle présume parfois une
offense simultanée ou bien future. Quelle que soit l’excuse, préalable ou
consécutive, son but est de restaurer l’équilibre rituel de l’interaction. Cette
restauration s’effectue par la neutralisation symbolique d’un acte offensant. En
effet, lorsque l’on offense quelqu’un, on est amené − si l’on désire que soit
rétabli l’équilibre rituel − à faire en sorte de compenser notre infraction. À
cet égard, Bergman et Kasper (1993 : 82)
5
définissent l’excuse comme « une
action compensatrice vis-à-vis d’une offense dans laquelle le locuteur a été
causalement impliqué, et qui est coûteuse pour l’allocutaire ».
Dans ce sens, nous esquissons la définition suivante :
L’excuse peut être définie comme un acte de langage expressif qui a la force
de transformer ce qui a été offensif en ce qui peut être pardonnable. Et l’excuse se
concrétise par le fait que l’offensé reconnaît une telle intention de communication.
2.2 Fonction des excuses
Présenter ses excuses est une sorte d’acte de mortification symbolique : on se
reconnaît coupable, on s’offre volontairement au châtiment. Cette façon d’agir a
pour conséquence de se placer en position « basse » par rapport à son interlocuteur.
Mais c’est aussi lui donner l’occasion de montrer sa magnanimité.
De plus, le rituel sert aussi à confirmer un certain ordre social. Inscrire la
réparation dans un échange, c’est en effet marquer symboliquement que l’accord et
le lien priment sur les aléas de la vie. Le rituel des excuses, parce qu’il nécessite la
collaboration de l’offenseur et de l’offensé, est bien une occasion supplémentaire de
5
Cité par Bellaachhab et Rawashdeh
(
23
célébrer la convivialité en confirmant à chacun sa place et le respect qu’on lui doit.
Et dans les situations où le risque d’éclat, de rupture ou de rejet est particulièrement
important, il est indispensable que chacun marque sa volonté de revenir à l’équilibre
normal.
2.3 Structuration générale de l’échange réparateur
Tout échange réparateur comporte en principe 3 composantes :
- l’offense, commise par l’offenseur à l’encontre de l’offensé. Les offenses qui
peuvent survenir au cours du déroulement d’une interaction sont multiples et
variées. En particulier elles peuvent être : délibérées, ou fortuites (gaffes, bourdes,
impairs en tous genres) ; verbales (violations volontaires ou involontaires dans le
système des tours de parole : interruptions, chevauchements, silences prolongés/
questions indiscrètes/ reproches/ dévalorisation de sa personne/ ) ; non verbales
(le fait de bousculer quelqu’un, de le faire attendre, de pénétrer volontairement ou
non dans ses « réserves », )
- la réparation (l’excuse), produite par l’offenseur ;
- la réaction à la réparation, émanant de l’offensé
Dans le cadre de cette recherche, faute de temps et de moyens, nous ne
pouvons pas traiter toutes ces trois composantes de l’échange réparateur. Nous nous
sommes contentée d’étudier seulement la réparation c’est-à-dire la réalisation de
l’excuse.
24
CHAPITRE II
CONSTITUTION ET DESCRIPTION DU CORPUS
Ce chapitre est réservé en premier lieu à la présentation du corpus, et en
seconde lieu à la description des données concernant l’acte d’excuse recueillies dans
notre corpus.
1. Constitution du corpus
Dans cette partie, après avoir expliqué le choix de la méthode de collecte des
données, nous présenterons les deux corpus : l’un en français et l’autre en
vietnamien. Enfin, nous aborderons les méthodes d’analyse des données.
1.1 Choix de la méthode de collecte des données
Les méthodes de collecte des données dans l’étude des interactions verbales en
général et de l’acte d’excuse en particulier sont diverses : enregistrement des
interactions verbales authentiques, enregistrement des dialogues dans les films
télévisés, enquête, textes littéraires. Chacune présente ses avantages et ses
inconvénients.
Comme l’authenticité des interactions verbales joue un rôle décisif dans la
recherche de l’acte de langage, nous avons pensé tout au début de notre recherche à
enregistrer des interactions verbales. Dans les conversations réelles, les actes de
langages sont authentiques. Cependant, cette méthode comporte certains
inconvénients. Tout d’abord, pour assurer l’authenticité des conversations, nous
sommes dans l’obligation de les enregistrer en cachette, ce qui n’est pas conforme à
la déontologie des chercheurs. De plus, la mise en place du micro caché n’est pas
toujours facile. En effet, nous ne pourrions pas prévoir quand les interlocuteurs
s’échangent des excuses. L’enregistrement des conversations complètes n’est
cependant pas faisable. Quant à l’enregistrement avec le micro au vu et au su des
interactants, l’authenticité de l’interaction n’est pas toujours assurée. Comme on le
sait, en général, les excuses ne sont formulées que quand les interactants sont en
conflit. Si les interlocuteurs savent être enregistrés, ils cherchent normalement à ne
pas se montrer impolis: ils recourent certainement à des adoucisseurs et évitent les
expressions menaçantes pour les faces de l’interlocuteur et de lui-même. En un mot,
25
malgré ses avantages, nous sommes obligée de l’écarter comme méthode de collecte
des données pour notre recherche.
Nous avons également pensé à un corpus de dialogues dans les films télévisés.
Nous aurions pu ainsi collecter non seulement des données verbales mais aussi
l’aspect paraverbal et non verbal de la réalisation de cet acte, ce qui joue un rôle
considérable dans l’interprétation des reproches et des excuses. Pourtant, après un
certain temps, nous constatons qu’il ne convient pas non plus à notre recherche. Le
premier obstacle, c’est l’horaire de diffusion des films à la télévision. Nous ne
sommes pas toujours disponible à ces heures-là pour allumer un magnétoscope. De
plus, comme pour l’enregistrement des dialogues authentiques, cette méthode exige
beaucoup de temps de transcription et la transcription des dialogues dans les films
français n’est pas toujours facile pour nous qui ne sommes pas native de cette
langue.
Quant à l’enquête, elle n’est pas conforme à notre cadre de recherche.
Premièrement, elle nous pose des problèmes temporels et financiers.
Deuxièmement, les données collectées appartiendraient à un langage plutôt écrit
qu’oral. En dernier lieu, l’acte de langage ne serait pas très naturel, l’authenticité
des données ne serait donc pas assurée.
Tandis que les méthodes citées ci-dessus ne sont pas bien adaptées à notre
condition de recherche, l’utilisation d’un corpus littéraire nous présente des
avantages considérables. Il est tout d’abord «immédiatement disponible et
quasiment inépuisable» (C.Kerbrat-Orrecchioni 1990:72-73). En effet, au Vietnam,
il est facile de trouver des textes littéraires vietnamiens dans les bibliothèques et les
librairies. Pour les œuvres littéraires françaises, il ne nous est pas trop difficile non
plus de les recueillir. De plus, avec un corpus de textes littéraires, nous ne devons
pas faire la transcription, cela nous permet d’économiser beaucoup de temps et de
nous concentrer sur l’analyse des caractéristiques de l’acte d’excuse et sur la
comparaison de la réalisation de l’acte d’excuse en français et en vietnamien.
Par ailleurs, le corpus littéraire est bien apprécié de R. Barthes et F. Berthet
1979 : 4)
6
. Ils considèrent le texte littéraire comme « une pratique de langage du
6
Cité par Nguyen Van Dung 2000 : 44
26
plus haut niveau » dont « une de ses fonctions est de reproduire exemplairement des
modes, des inflexions de discours ». C’est pourquoi, « chaque fois que les sciences
sociales ont à traiter d’un objet de langage (ou, pour être plus précis, d’un
« discours »), elles auraient bien tort de ne pas recourir au corpus littéraire sans
doute »
En outre, C.Kerbrat-Orecchioni (1996 :48) voit aussi en les textes littéraires
matières à étude pour l’analyse conversationnelle : « Dans la mesure où la
littérature tend à la conversation ordinaire une sorte de miroir grossissant dans
lequel viennent se condenser avec une simplicité, une évidence, une intelligibilité
accrues, certains des faits pertinents, l’analyse conversationnelle peut ( ) trouver
dans ce type de corpus, abondante matière à réflexion. ».
Ce sont les raisons pour lesquelles nous décidons de construire un corpus
littéraire contemporain.
1.2 Présentation du corpus
1.2.1 Corpus en français
Notre corpus se compose de cinq romans français contemporains, parce qu’en
premier lieu, c’est « le genre dominant, quantitativement et médiatiquement de la
littérature française » (Arnaud Genon : 2004)
7
. En seconde lieu, ce genre littéraire
français est abondant et disponible au Vietnam.
Notre corpus ne comporte aucune nouvelle car les nouvelles françaises ne sont
pas souvent disponibles chez nous. De plus, les nouvelles que nous avons lues
(trouvées) ne nous ont pas satisfaite : elles ne contiennent pas d’énoncés d’excuse.
Notre corpus est construit de 40 extraits de 5 romans entre 2003 et 2009 dont 3
ont obtenu le Prix Goncourt : La maîtresse de Brecht de Jacques-Pierre Amette,
édition d’Albin Michel 2003 : Prix Goncourt 2003 ; Le soleil des Scorta de Laurent
Gaudé, édition d’Actes Sud 2004 : Prix Goncourt 2004 et Syngué sabour de Atiq
Rahimi, édition de P.O.L 2008 : Prix Goncourt 2008.
Pour assurer la représentativité relative de la formulation de l’excuse en
français, nous avons collecté les œuvres de différents écrivains. Les œuvres choisies
7
site internet : www.fabula.org/revue/document126.php