30 Nerf et Muscle
Potentiels synaptiques
Le potentiel d'action (PA. A1 et p. 26) transmis
le long du neurone (présynaptique) libère au
niveau du bouton terminal un
neurotransmetteur. En fonction de sa nature,
celui-ci peut amener une dépolarisation
(excitation) ou une hyperpolarisation (inhibition)
de la membrane postsynaptique. Plus la
fréquence des influx est élevée le long de
l'axone, plus la quantité de neurotransmetteur
libérée au niveau synaptique sera grande.
L'acétylcholine, la substance P et le glutamate
sont des exemples de neurotransmetteurs
excitateurs qui augmentent g
Na
, g
ci
et g
k
(cf. p.
9) de la membrane postsynaptique au niveau de
la synapse (voie subsynaptique). Par suite d'un
gradient électrochimique de Na+ élevé, le
courant entrant de Na+ prédomine ce qui
provoque une dépolarisation : c'est le potentiel
post-synaptique excitateur (PPSE; maximum
environ 20 mV, C). Le PPSE ne commence que
0,5 ms après l'arrivée du PA au niveau du
bouton terminal (C). Ce délai synaptique
(latence) résulte d'une libération et d'une
diffusion relativement lentes du médiateur.
Bien qu'un PPSE unique soit généralement
insuffisant pour générer un PA postsynaptique,
l'excitabilité du neurone est cependant
augmentée par la dépolarisation locale, de telle
manière que plusieurs PPSE simultanés sont en
mesure de dépolariser la membrane jusqu'au
seuil de dépolarisation (sommation spatiale et
temporelle), et de générer un PA propagé.
Le PPSE n'est pas une réponse par tout ou rien
comme le PA ; le niveau du PPSE dépend en
effet de l'intensité du stimulus (D).
Si un train de PA arrive au niveau synaptique, le
PPSE augmente avec chaque PA : c'est la
potentiation synaptique. La raison de ce
phénomène est que pour des PA de fréquence
élevée (approximativement 30 Hz) la concen-
tration présynaptique en Ca
2+
ne peut pas
indéfiniment retrouver sa valeur de repos entre
deux PA successifs (augmentation de la libéra-
tion du neurotransmetteur).
Les neurotransmetteurs inhibiteurs comme
la glycine ou l'acide y aminobutyri-que (GABA)
n'augmentent pas g
Na
, mais seulement g
ci
et g
k
au niveau de la membrane subsynaptique. La
membrane est de ce fait hyperpolarisée et
l'excitabilité de la cellule est diminuée : il
apparaît alors un potentiel post-synaptique
inhibiteur (PPSI) (max. environ 4 mV. D et cf.
p. 280). Des PPSE et des PPSI peuvent se
produire simultanément au niveau de la même
cellule; dans ce cas, c'est la somme de tous les
PPSE et PPSI qui détermine l'apparition du PA
propagé d'origine postsynaptique (D).
Stimulation artificielle du neurone
Lorsqu'une cellule nerveuse est excitée élec-
triquement par voie externe, le courant élec-
trique passe de l'électrode positive (anode) vers
l'intérieur du neurone et sort par l'électrode
négative (cathode). De ce fait, le nerf est
dépolarisé à la cathode. Si le potentiel seuil est
atteint, il se produit un PA (cf. p. 26).
Habituellement une hyperpolarisation indési-
rable se manifeste à l'anode. Cet effet peut être
grandement diminué en employant une très
large électrode, ou électrode indifférente.
La durée de stimulation nécessaire pour produire un
PA au niveau d'un neurone est d'autant plus brève que
l'intensité du stimulus est élevée (relation durée de
stimulation-intensité de stimulation, B). L'excitabilité
d'un nerf est caractérisée : a) par l'intensité minimale
de courant continu qui, pour une stimulation de très
longue durée, provoque une réponse (c'est la
rhéobase) et b) par la chronaxie, c'est-à-dire la durée
pendant laquelle il faut appliquer un stimulus d'intensité
double de la rhéobase, pour observer une réponse (B).
La chronaxie est une mesure de l'excitabilité nerveuse,
pour laquelle // n'est pas nécessaire de connaître la
valeur absolue de l'intensité de stimulation au niveau
de la cellule nerveuse. La chronaxie peut ainsi être
déterminée à l'aide d'électrodes cutanées. En clinique,
on peut, par exemple, contrôler le décours d'une
atteinte musculaire.
L'effet de stimulation du courant électrique provoque,
plus particulièrement sous l'effet de tensions élevées,
des accidents électriques (électrocution). La quantité
de courant ayant traversé le corps constitue un facteur
important. Pour une tension donnée, l'intensité du
courant est d'autant plus grande que la résistance à
son écoulement est faible. Une peau humide est de ce
fait bonne conductrice; de même, le contact des pieds
nus avec des installations électriques (dans une salle
de bain par exemple) est particulièrement dangereux.
Alors que le courant continu ne présente d'effets
excitateurs pratiquement qu'au moment de son
établissement et de sa rupture, le courant alternatif à
faible fréquence (par exemple le secteur. 220 V-50 Hz)
peut provoquer notamment une fibrillation cardiaque
mortelle (cf. p. 174). Des courants alternatifs de haute
fréquence ( > 15 kHz) ne peuvent pas dépolariser les
nerfs et les muscles ; ils échauffent cependant les
tissus ; cette propriété est utilisée en thérapeutique :
c'est la diathermie.
(Texte pour A1-A3, cf. p. 26 et 40 ; cf. aussi p. 45).
32 Nerf et Muscle
L'unité motrice
Le neurone moteur (motoneurone) et toutes les
fibres musculaires innervées forment ce qu'on
appelle une unité motrice (UM). Le nombre de
fibres musculaires innervées par un
motoneurone varie entre 5 (pour les muscles
oculaires externes) et 1 000 ou plus (muscles
temporaux). Les fibres musculaires d'une seule
unité motrice peuvent être réparties sur tout
l'ensemble du muscle. Pour les innerver, un
motoneurone se scinde en de nombreuses
collatérales.
On peut distinguer deux types d'unités motrices : les
unités motrices à contraction rapide et les unités
motrices à contraction lente. Pour savoir si l'on a
affaire à une unité motrice du premier ou du deuxième
type, on observe l'origine de son motoneurone, et l'on
analyse les qualités de ce neurone (notamment pour
ce qui concerne la fréquence des impulsions). Les UM
à contraction lente sont plus sensibles au manque d'O
2
mais elles ont un métabolisme oxydatif plus intense (cf.
p. 46), possèdent plus de capillaires et de myoglobine
(fixateur de l'oxygène) et sont moins fatigables que les
UM à contraction rapide. Dans les muscles « blancs »,
ce sont les unités motrices à contraction rapide qui
sont les plus nombreuses (par exemple dans le muscle
gastrocnémien) ;
elles permettent les mouvements rapides (marche,
course). Les muscles « rouges » sont surtout formés
d'UM lentes; ces unités sont spécialisées dans les
exercices de longue durée (station debout : muscles
posturaux). Chez l'homme existe également une forme
intermédiaire d'unité motrice (UM rouge rapide).
L'augmentation graduelle de la force
musculaire résulte d'un recrutement plus ou
moins important d'unités motrices (recrutement
différentiel). Le nombre d'unités motrices
recrutées est fonction de la nature ou du type
de mouvement ; il en est de même pour le choix
des UM qui se fera entre les UM rapides et les
UM lentes (on entend par type de mouvement :
mouvement à contraction douce ou violente,
intermittente ou durable, activité réflexe ou effort
volontaire. etc.). De plus, la force développée
par chaque unité motrice peut s'élever par
augmentation de la fréquence d'impulsion de la
fibre nerveuse (les muscles squelettiques sont
tétanisables, cf. p. 41. B).
La plaque motrice
La transmission de l'excitation du motoneurone à la
fibre musculaire s'effectue au niveau de la plaque
motrice (A) qui constitue la jonction entre le nerf et le
muscle. La transmission est assurée grâce à une
substance : Facétylcholine (ACh) qui est stockée
dans les vésicules présynaptiques.
Autour des zones actives présynaptiques (A3) les
vésicules d'ACh peuvent être libérées par exocytose
(cf. p. 12) dans l'espace subsynaptique. Chaque
vésicule contient un certain quantum d'ACh. Les replis
postsynaptiques de la membrane musculaire se
trouvent en face des zones actives (A2 et A3). C'est au
niveau de ces replis postsynaptiques que se trouvent
les récepteurs à ACh (A3). Lorsqu'une molécule
d'ACh vient se fixer sur un récepteur, la perméabilité
de la membrane aux ions Na
+
(et aux ions K+) se
trouve modifiée (cf. p. 16; F);
il en résulte la formation d'un courant entrant de Na+
(2 pA pour environ 0.2-1 ms ; B1). Un quantum
complet d'ACh est déversé sur une surface de l'ordre
de 1µm
2
; comme il y a plus de 2 000 canaux, cela
signifie que le courant ionique induit sera de plusieurs
nA pendant quelques ms (courants miniatures de
plaque, B2). Quelques quanta isolés peuvent se vider
spontanément, mais cela ne suffit pas pour entraîner
une excitation musculaire. Par contre, l'arrivée des
potentiels d'action du motoneurone déclenche au
niveau de la terminaison nerveuse l'apparition d'un
courant entrant de Ca
2+
(cf. p. 54) qui provoque la
libération synchronisée de plusieurs centaines de
quanta d'ACh;
le courant de plaque qui apparaît est alors
suffisant pour induire un potentiel d'action musculaire
et, par là même. une secousse musculaire (B3). L'ACh
est très rapidement inactivée (hydrolyse) par les
cholinestérases situées dans l'espace synaptique (cf.
p. 54), si bien que la repolarisation est rendue
possible.
La transmission neuromusculaire peut être bloquée par
toutes sortes de poisons et substances
pharmacologiques (cf. aussi p. 54) ce qui conduit à
une faiblesse du muscle, voire, dans les cas extrêmes,
à sa paralysie. Les toxines botuliques inhibent la
libération d'ACh par les vésicules. Des substances
comme le curare, connu pour son utilisation dans la
fabrication des fléchettes paralysantes des Indiens,
sont employées en anesthésiologie pour relâcher
(relaxation) la musculature lors des interventions
chirurgicales. Le curare empoche la fixation de l'ACh
sur les récepteurs {inhibition compétitive} tout en
n'ayant lui-même aucun effet dépolarisant. Ce blocage
peut être levé par administration d'inhibiteurs de la
cholinestérase. Ceci entraîne l'élévation de la
concentration en ACh. ACh que le curare va de
nouveau bloquer. Cependant, si des inhibiteurs de la
cholinestérase parviennent à une synapse intacte, la
concentration d'ACh ainsi élevée permet d'obtenir une
dépolarisation durable. Il en résulte une inactivation
des canaux Na
+
(cf. p. 26) et une paralysie musculaire.
Quelques substances semblables à l'ACh (substances
parasympathicomimétiques, par exemple la di-
succinylcholine) ont aussi un effet dépolarisant, mais
elles sont détruites plus lentement. Elles provoquent
également une paralysie par dépolarisation
persistante.
34 Nerf et Muscle
Constitution et fonctionnement du
muscle squelettique 1
L'énergie chimique de l'ATP (cf. p. 20) est
directement transformée par le muscle en
énergie mécanique (et en chaleur), processus
auquel participent également des éléments
enzymatiques et structurels.
La cellule musculaire est une fibre (A) dont le
diamètre varie en moyenne de 10 à 100 µn et
dont la longueur peut atteindre 20 cm. Les «
fibres » de viande, reconnaissables à l'œil nu,
sont en fait des faisceaux de fibres (A, environ
0,1-1 mm de diamètre). La fibre musculaire
(cellule) est limitée par une membrane cellulaire
appelée le sarcolemme; elle renferme les
myofibrilles. Les myofibrilles sont entourées par
le sarcoplasme (cytoplasme) qui contient
plusieurs noyaux cellulaires, des mitochondries
(appelées aussi sarcosomes), des lysosomes,
des vacuoles lipidiques, des inclusions de
glycogène. etc. Le sarcoplasme contient égale-
ment du glycogène, des enzymes glycolyti-
ques, de la créatine phosphate et des acides
aminés, toutes ces substances pouvant être
libérées. Une fibre musculaire renferme
plusieurs centaines de myofibrilles (A) dont
chacune se divise en compartiments de 2,5 µm
environ, délimités chacun par 2 disques Z et
appelés sarcomères. Leur longueur est
grossièrement de 1.5 à 3.0 µm
et dépend de la
précharge du muscle (B).
Au microscope (en deux dimensions), les
sarcomères d'une myofibrille (A) apparaissent
comme une succession de bandes
alternativement claires et sombres et de lignes
(d'où le nom de muscle strié) ; ceci provient de
la disposition des filaments (épais) de myosine
et (fins) d'actine (B). Un sarcomère est compris
entre deux lignes Z ou disques Z (microscopie
en trois dimensions. B). qui sont constitués par
une structure protéique plane. Les filaments
d'actine sont traversés en leur milieu par la ligne
Z, c'est-à-dire qu'une moitié de chacun de ces 2
000 filaments d'actine pénètre dans deux
sarcomères voisins à la fois. A proximité de la
ligne Z. le sarcomère n'est constitué que de
filaments d'actine : c'est la bande l (B). La
région dans laquelle les filaments d'actine et de
myosine se chevauchent correspond
optiquement à la bande A :
la zone H est la partie des sarcomères qui n'est
constituée que de filaments de myosine
(environ 1 000 par sarcomère) ; ces filaments
s'épaississent dans leur partie moyenne (centre
du sarcomère) pour former une ligne M.
La molécule de myosine (C) possède une
partie céphalique scindée en deux (S1 ) (elle est
le siège de l'activité ATP-asique, cf. p. 36 et
suiv.), qui s'articule avec une partie cervicale
(S2) (la partie céphalique et la partie cervicale
constituent la méromyosine lourde, C). laquelle
est réunie à une partie caudale (méromyosine
légère, C). Un filament de myosine se
compose d'environ 150 à 360 de ces molécules,
assemblées à la manière d'une torsade. La
mobilité de la partie cervico-céphalique. à la
manière d'une articulation, permet la fixation
réversible de la myosine avec l'actine (formation
au complexe actomyosine, cf. p. 38) et le
glissement des filaments d'actine et de myosine
les uns sur les autres [glissement des filaments,
cf. p. 36 et 38).
L'actine G est une molécule protéique
globulaire. L'actine F résulte d'une sorte
d'enchaînement à la manière d'un collier de
perles de plusieurs molécules d'actine G (400
environ). En fait, deux enchaînements de ce
type, enroulés l'un autour de l'autre pour former
une torsade, constituent un filament d'actine (B).
La tropomyosine, qui possède elle aussi une
structure filiforme, s'enroule autour du filament
d'actine. et. tous les 40 nm environ vient s'y
rattacher une molécule de troponine (B).
La troponine (TN) est composée de trois sous-
unités : a) la TN-C qui contracte les liaisons
avec le Ca
2+
; b) la TN-T qui relie la TN à la
tropomyosine ; c) la TN-I qui, à l'état de repos,
empêche la formation de liaisons entre l'actine
et la myosine. Cet effet inhibiteur de la TN-I est
levé lorsque la TN-C est saturée en Ca
2+
.
Pendant la contraction, le filament de tropo-
myosine se dépose dans la gouttière entre les
deux chaînes d'actine F et laisse alors la
possibilité à la myosine de créer des liaisons
avec la molécule d'actine. Le signal de
déclenchement de ce phénomène est assuré
par la fixation des ions Ca
2
-
1
- sur les sites de la
troponine (cf. p. 36 à 39).
36 Nerf et Muscle
Constitution et fonctionnement du
muscle squelettique II
Les unités motrices du muscle squelettique sont
normalement activées par leur propre
motoneurone (cf. p. 32). L'arrivée du potentiel
d'action du nerf à la terminaison nerveuse libère
un médiateur chimique, l'acétylcholine, qui induit
la formation de « courants de plaque » dont la
sommation spatiale et temporelle provoque (cf.
p. 28) une excitation supraliminaire entraînant
un potentiel d'action qui sera propagé le long du
sarcolemme vers toutes les fibres musculaires
(cellules musculaires). Cette membrane cel-
lulaire présente, en de nombreux endroits, des
invaginations verticales en direction des
myofibrilles : ce sont les tubules transverses
encore appelés système T (A).
Le réticulum endoplasmique (cf. p. 4) est un peu
différent dans la cellule musculaire et on
l'appelle réticulum sarcoplasmique (A). Il est
formé de compartiments fermés (sans
communication avec le milieu extracellulaire),
qui sont disposés parallèlement aux myofibrilles
ce sont les tubules longitudinaux (A). Ces
tubules longitudinaux servent de réservoir aux
ions Ca
2+
.
Le système T est en liaison avec les vésicules
terminales des tubules longitudinaux. Au micro-
scope, on voit des triades formées par la
réunion, à leur extrémité, de deux tubules
longitudinaux et d'un tubule transverse (A).
Le potentiel d'action se propage rapidement le
long du système T, lequel fait partie du milieu
extracellulaire, vers la profondeur de la fibre
musculaire. Là, il produit une libération de Ca
2
+
par les tubules longitudinaux avoisinants ;
l'élévation de la concentration intracellulaire en
Ca
2+
qui passe de 0,01 µmol/l au repos à 1-10
(µmol/l, entraîne une suite de réactions
provoquant finalement les secousses
musculaires : cet ensemble de réactions est
appelé couplage excitation-contraction (B; cf.
p. 38).
Les filaments d'actine et de myosine d'un
sarcomère (cf. p. 34) sont disposés de telle
manière qu'ils peuvent s'emboîter.
C'est le glissement des filaments qui conduit
au raccourcissement du muscle ;
c'est ainsi que les lignes Z se rapprochent les
unes des autres et la zone de recouvrement
entre filaments fins et filaments épais augmente
(la longueur des filaments reste inchangée!). La
bande l et la zone H se raccourcissent. Quand,
à la fin, les filaments épais rencontrent la ligne
Z, le muscle se trouve à son maximum de
raccourcissement :
les extrémités des filaments fins se recouvrent
alors (cf. p. 41. C).
L'ATP est nécessaire au glissement des
filaments (donc à la contraction musculaire) (cf.
p. 19 et suiv.) ; les part/es céphaliques de la
myosine (ou têtes de myosine. cf. p. 35, C)
possèdent la propriété de dissocier l'ATP
(activité ATPasique). Les têtes de myosine se
fixent aux filaments fins en formant un angle
donné (C). A la suite d'une modification
structurale de la molécule de myosine, les
parties céphalique et cervicale de cette
molécule accentuent leur angulation, à la
manière d'une articulation (cf. p. 34 et suiv.) et
entraînent par là même le filament fin dans leur
mouvement (théorie des filaments glissants, C
et cf. p. 38).
La traction au niveau des deux extrémités d'un
filament épais de myosine s'effectue en sens
opposé entre l'une et l'autre extrémité (cf. p.
35), de telle manière que la zone de
recouvrement entre actine et myosine, de part
et d'autre de la ligne Z, tend à augmenter. Il
s'ensuit un raccourcissement du sarcomère, aux
deux extrémités du faisceau de myosine (cf. p.
35).
Un seul cycle de glissement raccourcit un
sarcomère de 2 X 8 nm. Pour un sarcomère
d'environ 2 µm, le raccourcissement est de
l'ordre de 1 %. Cela signifie que pour toute la
fibre musculaire (dont la longueur maximale est
de 20 cm), formée de sarcomères disposés en
série, le raccourcissement est aussi de 1 %.
Une secousse musculaire pouvant entraîner
jusqu'à 50 % de raccourcissement, il est donc
indispensable que le cycle précédant se
renouvelle : liaison des têtes - rotation des têtes
et glissement - séparation ou rupture des
liaisons - traction des têtes de myosine -
rattachement sur un site d'insertion voisin des
filaments d'actine. etc. (C).
38 Nerf et Muscle
Mécanisme moléculaire de la contraction
musculaire
La contraction musculaire nécessite non
seulement de l'actine et de la myosine mais
aussi la présence de Ca
2+
, de Mg
2+
, d'ATP et
d'ATPase.
Le Ca
2+
est stocké dans les tubules longitu-
dinaux du réticulum sarcoplasmique ; sa
concentration y est élevée (cf. p. 36). Le
potentiel d'action se propage au niveau du
système T de toutes les fibres musculaires et
provoque la libération momentanée du Ca
2+
des
tubules longitudinaux. La concentration du Ca
2+
dans les fibres musculaires est alors multipliée
par 1 000 environ. Ce Ca
2+
libéré se fixe à la
troponine qui, par l'intermédiaire de la
tropomyosine, permet la création de ponts ou
liaisons entre l'actine et la myosine (A et cf. p.
34 et suiv.). Une fois cette réaction terminée, le
Ca
2+
se réaccumule aussitôt dans les tubules
longitudinaux (transport actif. A et cf. p. 11). Le
transport de deux ions Ca
2+
nécessite
l'utilisation d'une molécule d'ATP. La réunion de
deux têtes de myosine (M) en une molécule de
myosine nécessite aussi une molécule d'ATP.
L'ensemble forme alors un complexe (ATP-
myosine) qui réalise avec la partie céphalique
(cf. p. 35) un angle de 90°. Pendant que la
concentration en Ca
2+
est élevée, se forment les
ponts entre les têtes de myosine et l'actine (A).
L'actine active alors l'ATPase des têtes de
myosine et provoque l'hydrolyse de l'ATP
(ATP→ADP + Pi). Ces réactions nécessitent
aussi 3 mmol/l d'ions Mg
2+
. Il s'ensuit la
formation d'un complexe A-M-ADP-Pi (Al). Le Pi
(phosphate inorganique) se détache alors de ce
complexe et l'angle formé par les têtes de
myosine (qui ont pivoté) passe de 90° à 50°
(A2a), ce qui provoque le glissement du filament
de myosine sur celui d'actine. La libération
d'ADP amène les têtes de myosine dans leur
position finale (45°), terminant ainsi le
glissement (A2b). L'excédent de complexe A-M
reste stable {« complexe de rigidité »} et peut
uniquement être « régénéré » par fixation d'ATP
sur les têtes de myosine : c'est cette fixation
d'ATP qui entraîne la relaxation, c'est-à-dire le
« ramollissement » du complexe A-M. La faible
élongation des muscles au repos est par
exemple importante pour le remplissage
cardiaque ou pour un faible relâchement du
muscle étiré au cours d'un mouvement rapide
de flexion.
Dans le muscle d'un organisme mort, l'ATP
n'est plus synthétisé. Cela signifie d'une part,
que le Ca
2+
ne peut plus être repompé dans les
tubules longitudinaux ; d'autre part, que l'ATP
ne peut plus être à la disposition des complexes
A-M stables. Le muscle devient alors
inextensible :
cet état caractérise la rigidité cadavérique;
celle-ci disparaît seulement lors de la
décomposition des molécules d'actine et de
myosine.
La présence d'ATP provoque simultanément la
dissociation des ponts actine-myosine et le
redressement des têtes de myosine (45° → 90°.
A4), avant que l'ATP ne reforme le complexe
myosine-ATP. Lorsque la concentration
intracellulaire en Ca
2+
est suffisamment élevée,
de nouveaux cycles A1-A4 peuvent se
reproduire (jusqu'à 50 secousses musculaires) ;
cela dépend avant tout de la fréquence des
potentiels d'action. Chaque arrivée d'un PA
entraîne un cycle;
les têtes de myosine n'agissant pas de façon
synchronisée (la concentration musculaire se
fait donc par saccades ou secousses
consécutives). En fait, les têtes de myosine ont
un mouvement de va-et-vient asynchrone. A
chaque instant, une partie est en action mais,
statistiquement, ce mouvement de bascule
touche toujours le même nombre de têtes de
myosine, ce qui produit une continuité dans la
réalisation et l'efficacité de la contraction. Une
chute de la concentration intracellulaire en Ca
2+
en-dessous de 1 (µmol/l arrête le cycle de
glissement des filaments (retour à la position de
repos. A).
Le renouvellement des cycles de glissement est
essentiel pour la contraction musculaire isotoni-
que, c'est-à-dire pour une contraction avec
raccourcissement du muscle. Lors d'une
contraction isométrique importante (augmenta-
tion de la tension du muscle sans raccourcisse-
ment), la rotation des têtes de myosine devient
à la longue impossible, tant et si bien que le
complexe M-ATP (A3) se transforme vraisem-
blablement en complexe A-M-ADP-Pi (Al). La
tension musculaire résulte directement de ces
mouvements de bascule des têtes de myosine.
C'est pourquoi, l'on pense que les parties
cervicocéphaliques de la myosine se situent au
niveau de la composante élastique en série du
muscle (cf. p. 40).
40 Nerf et Muscle
Propriétés mécaniques du muscle 1
La formation d'un potentiel de plaque supra-
liminaire (cf. p. 32) provoque, dans le muscle,
l'apparition d'un potentiel d'action (PA ;
maximum de dépolarisation au bout de 2 ms
environ, cf. p. 31 ; A2) qui se propage très
rapidement (2 m/s) sur les fibres musculaires au
travers du système T. La concentration
intracellulaire en Ca
2+
devient maximale au bout
de 10 ms, la secousse musculaire pouvant
apparaître dès 10 ms (par exemple pour les
muscles oculaires externes) ou n'apparaissant
que plus tard et jusqu'à 100 ms après (muscle
soléaire. cf. p. 37). L'augmentation par paliers
de la force musculaire est liée : a) aux
diverses formes de recrutement (cf. p. 32) et b)
aux modifications de fréquence du potentiel
d'action.
Une excitation isolée provoque toujours une
libération maximale de Ca
2+
et une secousse
isolée maximale des fibres musculaires sque-
lettiques (loi du tout ou rien). Mais comme
l'excitation est trop brève pour que le glissement
des filaments, relativement lent. soit maintenu
pour toucher l'ensemble des « sites d'activité »
entre actine et myosine, une excitation isolée ne
provoque pas le raccourcissement maximal
possible de la fibre musculaire. L'arrivée d'une
autre secousse isolée consécutive à une autre
stimulation entraîne un raccourcissement un
peu plus important. Un tel renouvellement des
stimulations conduit graduellement à la
sommation (superposition) des secousses
isolées (B). Si la fréquence de stimulation
augmente (de 20 Hz pour les muscles lents à
60-100 Hz pour les muscles rapides, cf. p. 32),
on obtient la contraction maximale possible de
l'unité motrice : le tétanos (B). Au cours du
tétanos complet. la force développée est au
maximum égale à 4 fois la force produite par
une secousse isolée. Alors que lors de la
superposition consécutive à deux excitations
isolées la concentration en Ca
2+
diminue, lors
du tétanos, elle reste élevée.
Au cours du tétanos (cf. p. 38), si on mesure la
durée de raccourcissement du muscle on
s'aperçoit qu'elle est différente de celle obtenue
lors de la contracture. La contracture n'est pas
due à la reconduction du potentiel d'action (PA),
mais provient soit d'une dépolarisation locale
prolongée par exemple lors de l'augmentation
de la concentration du K+ extracellulaire
(contracture liée au K+), soit d'une inhibition de
la libération du Ca
2+
cellulaire consécutive à
l'action pharmacologique de la caféine par
exemple. La contraction des fibres toniques
(comme les fibres des muscles oculaires exter-
nes ou du fuseau neuromusculaire ; cf. p. 278)
est une contracture. Ces fibres répondent à une
stimulation non par une réponse « par tout ou
rien », mais leur contraction est proportionnelle
à l'importance de la dépolarisation locale (sans
aucun PA). Dans ce cas, la contraction est 1
modulée par les variations de la concentration î
en Ca
2+
.
Le tonus (tonus réflexe) de la musculature
squelettique est, en général, consécutif à un PA
d'unités motrices isolées. Si aucune ' secousse
isolée n'est perceptible, c'est parce que les
unités motrices fonctionnent en décalage de
phase les unes par rapport aux autres (de façon
asynchrone), et amènent les réponses des
fibres individuelles à fusionner en une
contraction régulière globale. Les muscles
posturaux, en particulier, paraissent en état de
repos alors qu'ils sont, bien involontairement,
dans un état de tension:
cet état peut être modifié de façon réflexe (cf. p.
278 et suiv.) : il est en effet augmenté par une
attention plus soutenue.
Une contraction musculaire se situe généra-
lement entre deux situations extrêmes :
a) contraction isométrique : la longueur du muscle
reste constante, mais sa tension change ; b)
contraction isotonique : il y a raccourcissement du
muscle, mais la tension ou la charge demeure
inchangée (A). On parle de contraction auxotonique
lorsque la longueur et la tension du muscle changent
simultanément. Si une contraction isométrique est
suivie d'une contraction isotonique ou auxotonique, on
parle de contraction à postcharge (cf. p. 182).
Le muscle est composé d'éléments élastiques; ceux-ci
sont placés soit en série, soit en parallèle par rapport
aux sarcomères (A) ; on différencie
:
1 ) une composante élastique en parallèle (CEP) qui
est représentée par la membrane des fibres
musculaires (sarcolemme) et par le tissu conjonctif de
soutien (tissu interfibrillaire) et qui empêche, au repos,
le démantèlement des filaments. La force de cet
élément élastique en parallèle (CEP) est représentée
quantitativement par la courbe tension/longueur de
repos (cf. p. 43, A et B) ; 2) une composante
élastique en série (CES) qui intervient surtout lors de
la contraction isométrique, pour laquelle le muscle
dans son ensemble ne se raccourcit pas. Ainsi, les
fibres collagène (les tendons notamment) s'allongent
un peu lorsque s'effectue le glissement des filaments
d'actine et de myosine alors que la 2
ème
partie du CES
représentée par les parties cervicocéphaliques de la
myosine assure le glissement des filaments (cf. p. 38)